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64 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française 11 Abdoulaye Sadji et le roman Mustapha Bal Liminaire Il existe très peu d’intellectuels en Afrique noire si l’on veut donner à ce mot son sens étroit. Des gens qui, dans le silence et le secret de leur cabinet de travail, se livrent à des recherches, remettent en question par une réflexion critique, ce qu’ils ont appris, ce qu’ils savent. Par définition, un intellectuel vit du produit de sa pensée et par sa production littéraire, artistique, il nourrit la pensée des autres. Il veut, à travers sa culture, comprendre et transformer le monde, c’est-à-dire les hommes. Cette nourriture spirituelle prodiguée au peuple par ses intellectuels lui est aussi salutaire que le manger et le boire. Le poète, l’écrivain sont aussi utiles à la société que l’homme politique ; ils sont complémentaires. Chez nous en Afrique noire, le diplômé est rarement un homme cultivé, un intellectuel. Cela tient à la part trop grande accordée aux carrières politiques, au détriment de la création artistique et littéraire, de la recherche. Aussi, faut-il toujours saluer les efforts d’un écrivain africain, lorsqu’il livre en pâture au public le fruit de ses réflexions ou de son imagination. C’est dans cet esprit que nous allons essayer de faire la critique de Abdoulaye Sadji à travers deux de ses romans : Maïmouna et Nini. Anatomie du roman A proprement parler, Maïmouna n’est pas un roman. Et cela pour deux raisons. 1) en se livrant à un naturalisme descriptif, l’auteur a escamoté l’essentiel du sujet pour ne fixer que le détail insignifiant ; 2) à cause de la place trop importante accordée au hasard et à la providence qui font et défont les intrigues et qui rendent certains faits invraisemblables. Maïmouna relève plutôt du conte, parce qu’en dépit de tous ses efforts, l’auteur n’arrive pas à recréer un monde réel tel qu’il peut être senti dans les romans de Richard Wright. Nous sommes cernés ici par un univers de rêve, flou, sans contenu défini, dans lequel on voit s’agiter des personnages sans consistance, sans épaisseur, inanimés. D’où une impression profonde de gêne que l’on éprouve après avoir achevé la lecture de cet ouvrage. Maïmouna est une fille belle, de cette beauté qui n’existe plus que dans les contes de fée. Née et ayant grandi à Louga, elle éprouve subitement à 16 ans le désir de se rendre à Dakar. Nonobstant les conseils de sa mère et les prédictions du marabout, elle arrive à Dakar où elle est reçue par sa sœur aînée. 65 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française Malheureusement, les prophéties du marabout ne tardent pas à se révéler justes. Maïmouna est enceinte d’une façon mystérieuse. Indignation de sa sœur qui décide de la renvoyer chez sa mère. Maïmouna revient à Louga et cette beauté qui fut l’étoile de Dakar va sombrer dans l’anonymat. Cette façon de présenter le roman peut faire sourire. De ma part, il n’y a ni malveillance, ni volonté de dénigrement. Honnêtement, c’est la seule façon qui soit juste de présenter l’ouvrage où tout arrive fortuitement, providentiellement, opportunément. Car voici comment l’auteur opère. A Louga comme à Dakar, il fait abstraction du monde pour ne retenir que la case dans laquelle se trouve son héroïne. Tous les personnages resteront séquestrés dans cet univers, sans communication avec l’extérieur, sans rapport avec l’extérieur qui, du reste, n’intéresse pas l’auteur. Comme dans les tragédies classiques, l’unité de lieu est respectée. L’objectif de l’auteur est braqué pour toujours sur ce vase clos. Les personnages sont nommés et décrits ; leurs propos sont recueillis et rapportés. C’est un peu, si vous voulez, l’histoire de Robinson dans son île. Il nous semble que l’auteur pêche par méconnaissance – ou par oubli – de certaines notions qu’il faut connaître pour écrire un roman. Celui-ci a ses lois qu’on n’ignore...

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