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59 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française 10 Le roman négro-africain d’expression française Condotto Nene Khaly Camara Tous les problèmes soulevés par l’existence d’une poésie négro-africaine d’expression française se posent également pour la littérature romanesque. Les seuls aspects particuliers sur lesquels il importe de mettre l’accent concernent la qualité de cette production. Comme en poésie, l’impulsion vint d’un Antillais dont l’œuvre contribua fortement à créer un préjugé favorable à l’endroit du roman négro-africain. En fait, ce fut un coup de maître. René Maran obtint en effet le prix Goncourt en 1921 pour son roman Batouala, lequel portait en sous-titre la mention : « véritable roman nègre », l’auteur s’était révélé auparavant comme un poète délicat, fortement imprégné d’influences parnassiennes. Mais c’est en tant que romancier qu’il donnera toute sa mesure. A l’origine de Batouala, il y avait les intentions de l’administrateur des colonies René Maran de dénoncer les conséquences de la mainmise colonialiste sur l’Afrique. La belle préface par laquelle s’ouvre le livre est significative, à plus d’un titre : les malheurs qui se sont abattus sur l’Afrique s’expliquent par le fait que « la civilisation est passée par-là ». Dès lors, l’auteur s’attachera à peindre à l’intention des Blancs, ce qu’il considère être le vrai visage de l’Afrique, dans ses mœurs frustres et simples teintées d’un soupçon de primitivisme. Il s’agit d’une prise de position délibérée contre le progrès, contre l’évolution historique, mais René Maran avait l’excuse d’écrire au moment où la révolution socialiste d’octobre 1917 n’avait encore qu’à peine quatre ans. Nul ne soupçonnait encore les bouleversements qu’allait apporter dans l’ordre de l’action et de la pensée l’œuvre de Marx, Engels et Lénine. Aussi, n’est-il pas juste de qualifier un tel livre de réactionnaire dans la mesure où il visait précisément des buts tout à fait opposés. L’apport romanesque de René Maran consiste surtout en les qualités dont il fait montre dans son œuvre : simplicité de langue et de style, don d’observation, talent de peintre animalier. Mieux que quiconque, il a su effectivement rendre le visage, les couleurs et l’atmosphère traditionnelle de la « brousse africaine ». Ses vues étaient certes simplistes et il lui a manqué la perception historique qui eût donné à son œuvre un sens et une dimension supplémentaire lui permettant d’atteindre à l’expression de l’universel dans le roman. Père véritable du roman négro-africain, son exemple resta isolé cependant jusqu’à la fin de la guerre de 1939-45. L’école littéraire William Ponty, si elle a produit des essais de facture ethnologique et opéré des incursions dans le domaine du théâtre, est restée toutefois avare de romans. 60 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française L’exception qu’apporte le roman historique de Paul Hazoumé Doguicimi (1936) ne trompe pas puisque l’intérêt de cet ouvrage demeure aussi ethnographique1 . C’est surtout par le conte que les négro-africains aborderont la littérature en prose : c’est un genre que cultivaient avec bonheur les élèves de l’école normale William Ponty. Mais on retiendra surtout, dès 1947, le nom de Birago Diop, auteur des Contes d’Amadou Koumba et celui de Bernard Dadié, le poète. Birago Diop a également taquiné la muse mais il reste surtout un grand conteur, honorable héritier de la moins contestée des traditions africaines en matière d’art oral. L’écrivain affirme s’inspirer lui-même de la manière d’un griot sénégalais authentique, Amadou Koumba. Mais d’après Senghor, « l’élève est aussi grand que le maître, s’il ne le surpasse, car c’est un créateur de vie et de beauté… ». Birago Diop reste fidèle à cette caractérisation critique, puisque les Nouveaux contes d’Amadou Koumba apparaissent comme la suite des premiers. Nous ne suivrons pas ici Senghor dans l’analyse qu’il donne de cette œuvre, o...

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