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54 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française 9 Problèmes généraux du Roman Nègre Claude Deglas Introduction Au seuil de ce présent essai, il convient, avant même d’aller plus avant, de s’interroger sur la validité et la signification des termes de l’expression « roman nègre ». Quel est donc le sens d’une alliance dont l’originalité est faite de la présence en elle d’un qualificatif racial ? Cela ne fait-il point de problème, à une époque où le rapprochement des cultures et leur fécondation mutuelle introduisent à une conception plus réellement universelle de l’homme, où les peuples de la terre entière luttent ou seront amenés à le faire pour l’émancipation et la désaliénation totales, idéaux qui, s’ils rassemblent en eux des objectifs concrets, bien différents quand on compare, par exemple, une société aussi avancée que celle de l’URSS aux pays nouvellement indépendants, ne témoignent pas moins d’une volonté libératrice des tares engendrées par l’oppression économique, colorée de racisme en ce qui concerne les pays colonisés ? A l’heure même où surgissent des Tschombé, il est temps d’affirmer que les thèmes de la négritude ne sont plus suffisants en eux-mêmes pour assurer la véritable et complète promotion de l’homme nègre. Sous la vieille bannière de la négritude, il se rassemble trop d’opportunistes qui clament très haut le renouveau, sans pour autant s’assurer prise efficace de la réalité aux fins de la transformer en ses fondements pourris par le colonialisme. A la vérité, on trouvera singuliers ces prémisses d’une étude sur le roman, mais la suite de notre propos en prouvera le bien-fondé. La vieille négritude Au point de vue qui nous occupe, le mouvement international qui a déclenché la révolution dans les esprits puis dans les faits et dont les hommes qui l’ont inspiré sont encore vivants pour la plupart se présente essentiellement comme une revendication à qui la poésie a donné toute sa force et sa dimension. Il est en effet certain que nulle forme d’art n’a l’extraordinaire persuasion de la poésie, pensée confiante au plus sombre des temps tragiques, qui le dépasse et méprise par sa présence, ce caractère radical de la poésie participe des destinées de l’art qui ne doit pas faire les délices des lettres mais situer l’homme en sa vérité historique par la voix impérissable qu’il lui prête. Qu’en a-t-il été du roman ? Grosso modo, on peut dire qu’il a été une force d’appoint. Les Zobel, Paton, Wright, St Amant, etc. n’ont pas su réussir ce qu’un Dostoïevsky a réalisé au 19ème siècle dans une Russie renaissante. A notre sens, leur partiel échec provient de l’instrument imparfait dont ils se sont servis. L’observation montre que l’ancienne négritude a largement bénéficié, en ce 55 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française qui concerne la poésie, des recherches de Lautréamont et de Rimbaud, et surtout de la révolution surréaliste, dont les ferments ont été détournés et considérablement enrichis par les Césaire, Senghor, Roumain et autres au profit de la cause la moins gratuite du 20ème siècle. Par ailleurs, l’observation montre aussi que si la conjoncture historique a été favorable aux poètes qui ont volé des armes foudroyantes à l’Europe, elle n’a point permis la naissance du grand roman qui eût peut-être plus fait pour notre cause. Je crois trouver là une caractéristique du roman, qui est né en Europe assez tardivement si on fait le parallèle avec la poésie, car il semble bien que la poésie a le don de magnifier la réalité, de la saisir par un jeux extraordinaire d’analogies prophétiques alors que le roman essaie de s’emparer de cette même réalité par une démarche plus linéaire et plus attentive aux nuances objectives du monde. La réalité résiste quand on veut la...

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