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83 XIV L e barrage de Zado est un lieu où il fait bon se promener. L’eau calme de cette retenue s’étend à perte de vue. On voit çà et là des martins pêcheurs qui planent jusqu’à toucher la surface de l’eau, à la recherche de petits poissons. Dans la fraîcheur du matin, quelques pêcheurs solitaires rament doucement leurs barques silencieuses, en glissant avec grâce vers des directions inconnues. Ils déploient leurs filets qui disparaissent au milieu de flotteurs qu’ils ont placés sur l’eau. Vers le bord du barrage, là où l’eau est peu profonde, on peut par moment voir des poissons jaillir et plonger, puis disparaître en profondeur. Des nénuphars étalent leurs feuilles sur la surface de l’eau, marquant ça et là sur elle des taches vertes. C’est le lieu favori des jardiniers et des fleuristes. En aval du barrage, et de chaque côté du grand déversoir qui évacue le trop plein d’eau, ils disposent en ordre des pépinières ou des jardins de légumes verts. Plus loin, s’étend une forêt dense dans laquelle gazouillent des oiseaux diversement colorés et de différentes espèces. Au-dessus des grands arbres, planent une nuée d’hirondelles et de chauves-souris. Cette forêt cache et protège de nombreux animaux sauvages. L’air transporte des parfums de verdure qui caressent agréablement les narines. C’est vraiment là que la nature donne un rendez-vous à ces créatures vivantes les plus pures. C’est là que quelques petites gens, recherchant le calme et la fraîcheur, fatiguées du brouhaha des voisins, des fumées et des bruits des machines que l’on entend au loin, ainsi que du rythme infernal de travail, aiment venir se 84 Emmanuel Kouraogo promener les soirs avant de rejoindre leur domicile. Léonard et Camille y viennent dès qu’ils ont un peu de temps de repos. Ce soir, ils marchent sur une piste, qui se faufile entre des bosquets dissimulés, pour rejoindre la digue du barrage, sur laquelle ils aiment s’asseoir et bavarder, tout en admirant l’étendue de l’eau. Soudain, cinq individus masqués leur barrent le passage. Ils sont tous corpulents et physiquement forts. L’un d’eux s’adressent à eux : Où allez-vous … les deux syndicalistes ? Qui êtes-vous ? demande Léonard. Pas besoin de le savoir ! C’est vous qui troublez la production des biens de l’usine ?…Vous allez voir !… Comment ça ? tente de répliquer Léonard. Nous allons corriger votre insolence. Tiens ça ! Un violent coup de poing à la mâchoire de Léonard lui fait perdre l’équilibre. Il se retrouve dans les bras de celui qui se tient légèrement derrière lui. Camille tente d’intervenir, mais n’en a pas le temps. Il reçoit un coup de bâton sur la nuque qui le projette contre un arbre. Léonard quant à lui, est neutralisé par derrière par l’un des bandits, qui entreprend de le fouiller. Puis il est bousculé vers un autre, qui l’accueille avec un violent coup de pied au ventre, qui l’envoie à terre. Ils sont roués de coups et sont tout couverts de sang. Les deux compagnons tentent de résister mais peine perdue ! Ils sont sérieusement battus et abandonnés dans le bois, presque sans conscience. C’est Léonard qui réussit à se traîner sur environ cinq cent mètres à la recherche d’un secours, à l’aide d’un bras et d’une jambe, les autres membres étant sérieusement blessés. Les jardiniers alertés leur viennent en aide. Ils chargent les deux ouvriers sur une charrette d’âne pour les amener au dispensaire. Ils reçoivent les premiers soins, puis c’est le défilé des ouvriers de l’usine SIFAC pour les assister. Le vieux syndicaliste informé, se rend aussitôt à leurs chevets. Il leur laisse un [3.17.128.129] Project MUSE (2024-04-25 06:48 GMT) 85 Bi Tirga peu d’argent et les encourage à supporter leur douleur. Même de retour à son usine, il envoie des gens demander l’évolution de leur état de santé. Le vieux Bitirga aussi est informé de ce qui est arrivé à son fils. Il se garde d’en parler à sa femme, de peur de l’éprouver une nouvelle fois après...

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