Valeurs religieuses et d�veloppement durable: Une approche d�ananlyse des institutions des Bamil�k� du Cameroun

Chapitre II. Des valeurs comme base de la vie et du développement des Bamiléké de l’Ouest-Cameroun

61 Chapitre II Des valeurs comme base de la vie et du développement des Bamiléké de l’Ouest-Cameroun U n peuple moulé dans un contexte géographique totalement imprégné du religieux tel que celui que nous venons d’étudier dans les pages précédentes peut-il concrètement et pratiquement disposer des valeurs qui le situent dans la trame historique des peuples ? Peut-il avoir suffisamment prise sur les exigences quotidiennes de l’existence au point d’exercer son influence dans tous les secteurs de la vie de sa communauté ? Un tel questionnement naît du contexte actuel qui n’a pas fini de vivre les conséquences historiques de la rencontre des cultures. A. Du contexte de la rencontre entre Occidentaux chrétiens et africains« Toutes les cultures, quelles qu’elles soient, et à des degrés divers manifestent des préjugés pour, et plus souvent contre, les gens dont l’apparence est inhabituelle» (Martin Bernal 1996 :247). Ce n’est pas le lieu de s’attarder ici sur ce qui peut être considéré comme un lieu commun, à savoir la rencontre des Occidentaux, porteurs d’une civilisation aux éléments spécifiques, avec les Africains caractérisés eux aussi par leurs civilisations spécifiques1 Le constat plus haut évoqué de M. Bernal allait fatalement se produire, entraînant des préjugés face à ce qui, de l’autre côté, paraissait inhabituel. La réalité et l’histoire de cette rencontre ont déjà fait l’objet de nombreuses études. D’abord par les Occidentaux, ensuite des Africains qui, souvent, peinent à dire autre chose que ce que leurs prédécesseurs et maîtres occidentaux ont déjà affirmé. Quoi qu’il en soit, il est désormais acquis par les uns et les autres que l’histoire de cette rencontre, des XVe / XVIe siècles jusqu’aux XIXe / XXe siècles, s’est enlisée dans la traite négrière, puis a continué par les impérialismes au cœur du continent africain, engendrant une 62 Valeurs religieuses et développement durable colonisation dont les effets néfastes restent récurrents dans la vie actuelle de l’ensemble des Africains. Diverses études nous ont déjà révélé, avec plus ou moins de bonheur, la nature et les caractéristiques essentielles de chacune de ces étapes. Il faut avouer que le contexte s’y prêtait. En effet, les Occidentaux, directement impliqués dans la longue histoire des contacts avec les Africains étaient convaincus que ceux-ci sont issus d’un univers caractérisé par deux éléments essentiels. D’une part, par la couleur de leur peau et, d’autre part, par leur manière de concevoir la structuration du message de Christ, compris, cela va sans dire, selon les catégories culturelles de l’univers occidental. Tous ceux qui connaissent l’origine et l’évolution de cela depuis la conversion de Constantin au IVe siècle de notre ère, jusqu’à la récente guerre d’Irak, en passant par les imposantes croisades entre le monde arabo-musulman, reconnaîtront volontiers avec M. Bernal que, dans le contexte des rencontres avec les Africains, « L’Europe est assimilée au christianisme » (Bernal M. 1996 : 234). Quiconque se rappelle la formule de longue vie dans l’enseignement et la pratique de ce christianisme là, à savoir : « hors de l’Eglise (christianisme) point de salut » doit convenir que, dans ce contexte occidental, à l’heure de ses contacts avec les Africains, tout prédisposait à de multiples préjugés tenus d’autant plus normaux qu’on leur trouvait un fondement indiscutable dans une Bible tendancieusement interprétée. Ainsi, le rappelle fort bien Dominique Franche:« Comme Cham lui même n’avait pas été maudit, on transforma les Egyptiens (un groupe d’Africain) à la peau sombre… un des descendants d’un fils de Cham, sur qui… pesait la malédiction… » (Dominique F.2004 :14) Les Occidentaux engagés dans les contacts avec les Africains se croyaient donc en droit d’établir « un lien tout à fait net et naturel entre la peau sombre de ces derniers, le mal et l’infériorité» (Bernal M. 1996 :248). Cet éclairage permet quelque peu d’expliquer les atrocités commises pendant les longues années de la traite négrière, et de la colonisation.2 63 Des valeurs comme base de la vie et...