In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Le débat entre platonisme et stoïcisme sur la vie scolastique: Chrysippe, la Nouvelle Académie et Antiochus* Thomas Bénatouïl (Université de Nancy, LPHS-Archives Henri Poincaré) Cet article s’inscrit dans un projet plus large d’étude des rapports entre σχολή et philosophie dans l’Antiquité, et en particulier de leurs transformations de l’époque classique à l’époque impériale, transformations dont Platon, ses divers successeurs et les stoïciens me semblent les protagonistes majeurs. Un très bon témoin en est la critique adressée par Chrysippe aux défenseurs de la « vie scolastique ». Je me propose d’examiner le témoignage de Plutarque qui nous rapporte cette critique, en identifiant ses cibles et les arguments sur lesquels elle repose et en montrant qu’elle peut être lue comme une discussion de certains textes de Platon et Aristote sur la vie théorétique. Je serai ensuite conduit à tenter de comprendre le statut très différent et secondaire que l’éthique stoïcienne accorde à la vie scolastique, puis à mettre en lumière l’existence de réponses assez précises aux critiques de Chrysippe contre Platon et Aristote dans la Nouvelle et l’Ancienne Académies. 1. Chrysippe contre les défenseurs de la « vie scolastique » Chrysippe lui-même, dans le quatrième livre de son traité Des genres de vie, pense que la vie de loisir studieux ne diffère en rien de la vie de plaisir. Je rapporterai ses mots eux-mêmes: « Ceux qui soutiennent que c’est la vie de loisir studieux qui convient le mieux aux philosophes me semblent commettre une erreur de principe en pensant qu’il faudrait s’y consacrer comme à un passe-temps ou pour quelque autre but semblable , et prolonger sa vie entière de cette façon jusqu’au bout ; or, si l’on étudie clairement les choses, cela, c’est une vie de plaisir. Car il ne faut * Des versions antérieures de ce texte ont été présentées dans le séminaire de Master de Carlos Lévy (Université Paris Sorbonne, janvier 2006) et au colloque de Gargnano sur Platonismo e Stoicismo (avril 2006). Je remercie les participants pour leurs remarques, qui m’ont permis d’améliorer mon analyse sur de nombreux points. 2 Thomas Bénatouïl pas laisser dans l’ombre ce qu’ils ont à l’esprit: beaucoup le disent clairement , un nombre non négligeable avec plus d’obscurité ».1 Robert Joly (1956, 141-142 et 144) a affirmé que Chrysippe visait les épicuriens . Ceux-ci défendent en effet une vie à l’écart des affaires publiques consacrée à la recherche du plaisir entre amis au sein de l’école épicurienne .2 Cette interprétation est toutefois insatisfaisante, non seulement parce qu’elle attribue aux épicuriens une défense de la « vie scolastique » qui n’est pas attestée chez eux, mais surtout parce que Chrysippe n’aurait pas besoin de révéler l’hédonisme qui se cache sous cette défense s’il attaquait les épicuriens, puisque ceux-ci assumaient leur hédonisme. Comme l’a souligné Keimpe Algra (1997, 113-115), Chrysippe vise au contraire des philosophes dont la position se distingue à première vue de l’hédonisme, et prétend montrer qu’elle est en réalité très proche de celle des épicuriens. Plusieurscommentateursontjustementidentifiécesphilosophescomme étant Aristote et Théophraste.3 C’est chez ces membres du Lycée que sont attestés les premiers emplois de l’adjectif σχολαστικός.4 On peut donc traduire σχολαστικὸς βίος par « vie de loisir studieux » pour montrer que l’expression se réfère à une vie de loisir spécifique, celle qui est consacrée aux activités intellectuelles propres aux écoles philosophiques et en particulier au Lycée.5 Qui plus est, le terme διαγωγή utilisé par Chrysippe est présent dans l’Éthique à Nicomaque, d’abord au pluriel pour évoquer les « passetemps » serviles de ceux qui se consacrent au jeu ou aux plaisirs corporels, puis à propos de l’activité contemplative pour montrer que celle-ci procure un très grand plaisir.6 1 Plut., De stoic. rep. 1033C (= SVF 3.702 = 67X LS, trad. de J. Brunschwig et P. Pellegrin modifiée): αὐτὸς γοῦν Χρύσιππος ἐν τῷ τετάρτῳ περὶ Βίων οὐδὲν οἴεται τὸν σχολαστικὸν βίον τοῦ ἡδονικοῦ διαφέρειν. αὐτὰς δὲ παραθήσομαι τὰς λέξεις. “ὅσοι δ’ ὑπολαμβάνουσι φιλοσόφοις ἐπιβάλλειν μάλιστα τὸν σχολαστικὸν βίον, ἀπ’ ἀρχῆς τί μοι δοκοῦσι διαμαρτάνειν, ὑπονοοῦντες διαγωγῆς τινος ἕνεκεν δεῖν τοῦτο ποιεῖν ἢ ἄλλου τινὸς τούτῳ παραπλησίου καὶ τὸν ὅλον βίον οὕτω πως διελκύσαι. τοῦτο δ’ ἐστίν, ἂν σαφῶς θεωρηθῇ, ἡδέως. οὐ γὰρ δεῖ λανθάνειν τὴν ὑπόνοιαν αὐτῶν, πολλῶν μὲν σαφῶς τοῦτο λεγόντων οὐκ ὀλίγων δ’ ἀδηλότερον.” 2 Cf. Sen., De otio III, 3 (= fr. 9 Usener) et Grilli (2002), 48-89. 3 Boyancé (1959), 90; Grilli (2002), 94; Algra (1997), 113. 4 Eth. Nic. X, 7, 1177b 21-22, où le terme s’applique à la vie la plus...

Share