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asPecTs de l’exégèse dualisTe de PlaTon Par PluTarque* John Dillon (Trinity College, Dublin) 1. PluTarque face aux exégèTes du an. Procr. Plutarque, comme presque tous les autres platoniciens de l’Antiquité, se présente simplement (et sans doute le croyait-il) comme un exégète fidèle des doctrines du Maître. Dès les premières lignes de son traité Sur la génération de l’âme dans le Timée,1 il s’oppose fortement à des penseurs de l’Ancienne Académie tels que Xénocrate ou Crantor, qu’il présente comme faisant usage de plusieurs subtilités afin de promouvoir leurs propres doctrines en corrompant la véritable pensée de Platon. Le passage suivant, qui traite du problème de la véritable signification de la description faite par Platon de la génération de l’âme, est assez représentatif de sa position (an. procr. 1013a). Tous ces interprètes s’accordent sur le fait que l’âme n’est pas advenue dans le temps et qu’elle n’est pas sujette à la génération, mais qu’elle a une multitude de facultés (δυνάμεις) et que Platon, en analysant son essence à travers cellesci , uniquement pour des motifs théoriques (θεωρίας ἕνεκα), la représente dans son texte comme étant engendrée et comme étant le résultat d’un mélange ; et ils considèrent que c’est aussi avec le même état d’esprit qu’il choisit ce mode d’exposition à propos de l’univers, tout en le sachant éternel et inengendré, mais voyant qu’il n’est pas facile de comprendre la façon dont il est organisé et gouverné si on ne postule pas d’abord sa génération et une conjonction de facteurs génératifs au début. Toutefois, en tant qu’authentique et sincère Boétien, Plutarque se montre peu patient envers ce type d’exégèse : Cela étant en substance ce qu’ils disent, […] les deux interprétations m’apparaissent complètement erronées à propos de l’opinion de Platon, s’il faut utiliser le critère de la plausibilité, non pour promouvoir ses propres doctrines, mais plutôt dans la volonté de dire quelque chose qui s’accorde avec les vues de cet homme (i.e. Platon). * Cette contribution a été traduite de l’anglais par Angelo Giavatto, tout comme les passages du an. procr. qui y sont cités. 1 Je suis dans cet article grandement redevable aux excellents commentaires de Harold Cherniss dans son édition Loeb du de animae procreatione in Timaeo (1976), ainsi que son essai de 1954, même si je ne suis pas toujours en accord avec ses conclusions (plutôt critiques). 66 John dillon Cependant, Plutarque est loin d’être l’exégète impartial et fidèle de Platon qu’il prétend être. Il a, en effet, un objectif et ce dernier est particulièrement significatif. La raison pour laquelle il lui est important d’établir que Platon avait réellement fait l’hypothèse d’une période de chaos précosmique repose sur l’idée qu’une telle période aurait été sous la direction d’une âme malveillante et désordonnée. Cette idée s’accorde parfaitement avec l’interprétation de la pensée de Platon que Plutarque propose, selon laquelle il y a dans le monde une force qui s’oppose au dieu et à l’ordre qui émane de lui, une force qui peut être tenue responsable de toutes les imperfections et du mal moral que l’on rencontre manifestement dans le monde. Cette force peut s’identifier au second principe, attesté par Aristote, au fondement des « doctrines non-écrites » de Platon, la Dyade Indéterminée ou le « Grand-etPetit ». Une des caractéristiques de la Dyade est l’Âme du Monde désordonnée que Plutarque reconnaît comme animant l’état précosmique des choses dans le Timée, à laquelle il identifie l’âme « maléfique » du dixième livre des Lois. Voici ce qu’il en dit dans an. procr. 1014b : Car la création ne se produit pas à partir de ce qui n’existe pas, mais plutôt à partir de ce qui est dans un état inconvenable et insuffisant, comme dans le cas d’une maison, d’un vêtement ou d’une statue. En effet, l’état dans lequel étaient les choses avant la...

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