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Chapitre 3 Mes premières années universitaires à Dakar (1952-1957) Arrivé à Dakar en octobre 1952, j’étais logé à la cité universitaire de Fann qui était l’ancien internat de l’Ecole africaine de médecine et de pharmacie et où était logée la dernière promotion des élèves médecins et pharmaciens africains. Ce bâtiment massif abritait encore quelques services du Gouvernement général de l’AOF et en particulier l’ORANA (Organisme de recherches sur l’alimentation et la nutrition Africaines). Je revois encore chaque matin la grande silhouette de Thianar Ndoye, un médecin africain qui y travaillait. Des fonctionnaires fédéraux logeaient dans ce pavillon où les lits étaient des lits de militaires. Le directeur de la cité était un Français, Castain, un capitaine de l’armée fran- çaise. Le matériel de cuisine, les armoires, les couteaux et les fourchettes portaient les initiales de l’Ecole africaine de médecine Jules Carde. Les nouveaux étudiants étaient logés dans des chambres sans porte. Des murs d’un mètre cinquante séparaient les chambres qui n’avaient que des rideaux . Seuls les étudiants qui comptaient plus d’un an de résidence et en particulier les étudiants en médecine étaient logés dans des chambres ayant des portes. J’avais obtenu une bourse pour faire des études littéraires. J’avais l’intention d’être professeur de latin et de grec ou de philosophie. C’est le professeur de philosophie de l’université de Bordeaux, P. Lacroze qui m’a dissuadé de poursuivre une carrière de philosophe. Il m’a demandé de m’inscrire en PCB (Physique , chimie, biologie). L’obtention de ce certificat était nécessaire pour faire la licence de philosophie. Devant cette difficulté, j’ai renoncé à poursuivre une carrière dans la discipline de Socrate. L’académie de Dakar était rattachée à l’académie de Bordeaux qui nous délivrait le baccalauréat et la licence. Par exemple, c’est l’université de Bordeaux qui m’a délivré mon diplôme de licence en droit. Arrêtons-nous sur cette parti- 36 Mémoires d'un étudiant africain : de Diourbel à Paris cularité qui a créé des injustices en Afrique occidentale sous domination fran- çaise. En effet, seuls les médecins et pharmaciens africains pouvaient préparer le baccalauréat et le PCB et obtenir à Bordeaux la validation des années d’études passées à Dakar. Cette faveur n’existait pas pour les médecins vétérinaires formés à Bamako. L’enseignement à l’École supérieure de Lettres était assuré par des professeurs de lycée. Pinson, professeur agrégé de Lettres, dispensait les cours de français, latin et grec. Un peu déséquilibré par son séjour en Allemagne comme prisonnier, Pinson avait un tic. Il ne cessait de dire tout le temps « j’allais dire » quand il traduisait des textes latins ou grecs. Cela nous amusait. Il aimait nous faire pâturer sur des textes de Virgile, de Cicéron, d’Homère, d’Aristophane et de Démosthène. En français, il avait choisi de nous expliquer La guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux. Profitant de sa supervision des examens (baccalauréat, certificats de lettres), Pierre Grimal, professeur à Bordeaux, nous dispensait des cours pendant un mois en latin. Il était spécialiste des jeux latins. Il était à l’aise dans les textes. Les étudiants avaient de l’admiration pour lui. L’année suivante (1952-1953), il fut promu professeur à la Sorbonne à Paris. C’est Louis-Vincent Thomas, un professeur au Lycée Van Vollenhoven qui assurait les cours de philosophie en propédeutique. Il avait une énorme mémoire qui lui permettait de réciter des passages entiers d’Henri Bergson. Il s’attardait beaucoup sur les différents tests en psychologie qui ne nous préparaient pas bien à l’examen. Je me souviens encore de l’exposé que Tidiane Baïdy Ly avait fait en classe sur le livre de Bergson : Le rire et qui a suscité beaucoup de discussions. Louis-Vincent Thomas aimait utiliser des mots compliqués et un langage hermétique devant son public d’étudiants désarmés. J’avais comme condisciples Benoît Benga, Joseph Maka, Blaise Ndiaye, Baïdy Ly, Blaise Senghor, etc. Avec le développement de la lutte contre le système colonial, j’ai choisi de m’inscrire en...

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