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9 Entre africanité et arabité : Déchirure identitaire et ambiguïtés culturelles en Mauritanie* Abderrahmane N’Gaïde Le rêve panafricain, né sur le continent américain au tournant des XIXe et XXe siècles, se donnait pour mission de réhabiliter les civilisations africaines, de restaurer la dignité de l’homme noir et de prôner le retour à la ‘mère patrie’… Mwayila Tshiyembe, Le Monde Diplomatique (2002:22). Les Arabes forment une seule nation qui a le droit naturel de vivre dans un seul État. Il faut rechercher une entière entité culturelle, économique et politique. Charte du congrès Baas, 1947, citée par Saint-Prot (1999:171). The New Partnership for Africa’s Development will be successful only if it is owned by the African peoples united in their diversity. Extrait de The New Partnerhip for Africa’s Development, NEPAD (2001:12). Comprendre d’abord, expliquer ensuite Il nous semble indispensable de procéder à des clarifications démographiques importantes, pour mettre en lumière les réalités culturelles mauritaniennes afin que nos lecteurs puissent saisir une partie complexe et toujours incomprise par ceux qui n’ont de la Mauritanie qu’un visage officiel, réducteur et frileux. Ainsi donc, ce que j’appellerai, ici, la quotidienneté démographique mauritanienne se décline comme suit : l’ensemble maure qui englobe en son sein les Bidhan1 (araboberb ère), les Haratin2 ; ensuite les Haalpulaar (Peuls et Toucouleurs) dont l’aire démographique d’expansion enjambe les frontières et s’étale même – à en croire 154 Les identités régionales et la dialectique Sud-Sud en question le chercheur Allemand Günter Schlee (2000:207-223) – jusqu’au Soudan actuel3 . Cette ethnie est profondément islamisée4 mais elle garde encore sa langue, ses us et coutumes et l’ensemble du bagage imaginaire qui alimente sa geste5 . Viennent les Soninké6 . Ils sont les vecteurs de l’islamisation d’une importante partie de l’Afrique de l’Ouest. Grands bâtisseurs de royaumes, ils furent à l’origine du mythique royaume du Ghana dont le cœur battait dans l’espace actuel de la Mauritanie . Ce sont de grands négociants. Ils ont entretenu des relations commerciales fortes et solides avec le monde maghrébin et au-delà avec tout le monde arabe. Ce tableau démographique varié s’enrichit de l’ethnie Wolof qui s’étend au Sénégal et en Gambie. L’un de leur royaume, celui du Waalo avait sa capitale en territoire actuel de la Mauritanie. Ils se sont profondément métissés avec les populations arabo-berbères. D’ailleurs l’un des Emirs du Trarza était marié à une princesse du royaume du Waalo7 . Encore aujourd’hui la toponymie locale, de toute la région s’étendant de Rosso à Nouakchott, témoigne de leur ancienne présence. Une minorité bambara vient élargir et enrichir le champ démographique mauritanien8 . Ils ont été les fondateurs du célèbre royaume du Mali, dont l’un des rois, Kanka Moussa, sur les routes de la Mecque, fit halte en Égypte et par ses largesses fit baisser la valeur de l’or dans toute cette contrée. Il existe aussi une autre « ethnie » dont on ne parle pas : les métis de tous les bords. Ceux qui symbolisent la déchirure et la rencontre. Ils sont inévalués, mais ils complètent le tableau complexe (riche) de la démographie et des cultures mauritaniennes. Avant la disparition du commerce transsaharien et les effets négatifs de la rigueur climatique sur la vie des hommes, le territoire mauritanien constituait un espace de passage des caravanes de commerce reliant l’Afrique du Nord au Bilad Es-Sudan. Se succédaient des escales comme Ouadane, Oualata et Tichitt et d’autres points de rupture de charges qui formaient des lieux de rencontres et d’osmose sociale. Il est inutile de soutenir que la rencontre des peuples s’est façonnée dans le moule de la paix et de la concorde sociale et non seulement sous le jour d’hostilités irréductibles. Pour raccourcir, disons que ce sont ces populations issues de royaumes contigus et ayant partagé la même histoire qui vont subir le même sort : la colonisation qui s’identifie à la tentative de mise en place de barrières infranchissables dont les conséquences se lisent dans la violence. La contrainte par le corps, l’appartenance confessionnelle, ethnique et raciale...

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