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5 Conclusion Le développement local au Sénégal n’est-il donc pas mal parti ? La décentralisation territoriale, censée lui apporter un soutien formel, s’embourbe dans un mim étisme juridique perceptible dans le parachutage de textes inadaptés au réel et dans le manque de formation des élus ainsi que le caractère encore balbutiant des stratégies de mobilisation financières locales. Les efforts de l’État en faveur d’une décentralisation dynamique et conquérante, intégrant la relance de l’économie locale et le développement de projets communautaires d’envergure significative, sont gangrenés par l’attitude clientéliste des gouvernants qui fait primer les calculs électoraux sur la nécessité de percer l’abcès pour aller de l’avant et s’apparente, en définitive, à la formule « Abrutir pour mieux régner ». Les partenaires au développement ont indubitablement le mérite d’avoir prodigué un appui financier et méthodologique précieux à la conception et à la réalisation des initiatives locales, mais ont péché par le diktat insidieux de leurs méthodes d’intervention empreintes de préjugés, donc faiblement amarrées aux perceptions locales et, parfois, par la corruption déguisée de leurs cibles à travers le phénomène du perdiemisme, notamment lorsque les appuis proposés n’emportent pas l’adhésion massive de ces cibles. En milieu rural, le décollage est inhibé par l’exode rural à la place de l’entreprenariat rural, l’attentisme au lieu d’un sursaut imaginatif et créatif. Il urge d’opérer une rupture salvatrice d’avec cette conception paternaliste et condescendante qui fait du rural un indigent. L’option clairement affichée par les pouvoirs publics de faire du secteur primaire le moteur de la relance a peu de chances de réussir si les principaux acteurs de ce secteur que sont les ruraux ne font pas preuve d’un esprit d’entreprise. Les réformes urgentes ne peuvent découler que d’une évaluation sans complaisance de l’existant. L’approche critique n’est donc pas une marque de pessimisme. Elle est le terreau fécond des remises en question et le tremplin courageux du progrès et du changement. Au Sénégal, comme dans les autres pays africains, une analyse pertinente du développement local comme moyen de sortie de crise doit prendre en compte l’environnement politique et culturel. Or, le paradoxe africain est déconcertant. 158 Les défis du développement local au Sénégal L’Afrique est le continent qui a le plus besoin de ressources pour s’extirper de la spirale de la pauvreté, mais c’est également le lieu où les ressources humaines sont brimées sur la base de considérations tribales ou ethniques et où les deniers publics , du reste précaires, sont régulièrement agressés par la culture de la corruption exacerbée par la rapacité des dirigeants. L’Afrique est le continent où l’initiative privée est plus que jamais urgente pour suppléer les insuffisances de l’interventionnisme étatique, mais c’est aussi le lieu ou l’épargne privée est reversée dans l’achat de bien ostentatoires et improductifs et dans la polygamie abusive. Alors que la fragilité des pseudo-nations africaines rend urgente la présence d’États forts, l’État en Afrique s’enfonce dans des spéculations partisanes et des querelles meurtrières autour du pouvoir. Incontestablement, c’est « la carence des encadrements et d’abord des encadrements étatiques qui plongent l’Afrique dans des situations extrêmement difficiles » (Dubresson et Raison 1998 : 10). Malgré la précarité économique s’épuisant essentiellement dans le développement d’un secteur informel chaotique et les précarités sociales perceptibles notamment dans la mendicité infantile, le faible accès à un logement décent et aux soins de santé primaires, l’africain garde le sourire. Le sourire et la mort se côtoient quotidiennement dans le cadre d’un compagnonnage gouverné par le fatalisme et le dogmatisme. Car, alors que l’africain se distingue par son engouement pour les fêtes dispendieuses (Mathieu 2005 : 9) organisées pour tout prétexte (baptême, retour d’un fils de l’Europe, rencontre de Chefs d’États au sujet d’une guerre meurtrière, retour d’un pèlerinage religieux, deuil (Alissoutin 2005 Le Quotidien n° 630 : 9), la mortalité et la morbidité font...

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