-
8 - La Différence des sexes a-t-elle un fondement rationnel?
- CODESRIA
- Chapter
- Additional Information
8 La Différence des sexes a-t-elle un fondement rationnel? Ariane Djossou-Ségla Introduction et méthode Philosopher, dit-on, est une entreprise s’exerçant sur des matériaux idéels, et la philosophie, discipline de la pureté conceptuelle dont l’essence est la recherche de la vérité,1 s’évertue à dépasser les premiers niveaux de la connaissance, le sensible et l’empirique, pour appréhender le suprasensible et le rationnel. Or le fait d’être un homme ou une femme relève du sensible par le fait que la femme (ou l’homme) peut être appréhendée et affirmée empiriquement. Le sexe représente le concret face aux diverses préoccupations d’ordre philosophique. Dès lors, la possibilité de concilier une investigation sur la femme (ou l’homme) en philosophie tend vers le ridicule voire la nullité, puisqu’elle confirme le point de vue de certaines doctrines pour lesquelles la question de la femme n’est pas une question philosophique. De ce fait, les points de vue des philosophes ou des penseurs qui font intervenir quelques réflexions sur l’individu, membre d’une catégorie de sexe donné, ne devraient pas être considérés totalement comme relevant d’investigations d’ordre philosophique. Or si ce problème n’est pas explicite lorsqu’un penseur traite de thèmes d’ordre métaphysique, il devient difficile de l’éviter, lorsque ce même penseur expose sa théorie socio-politique ou, lorsqu’il critique celle d’un autre théoricien. La sexuation qui n’était pas au début d’une investigation surgit subrepticement ou brutalement et devient incontournable pour la suite de la réflexion. De plus, en général, lorsqu’il s’agit d’observer et d’analyser le représentant physique ou matérialisé auquel recourt cette sexuation, c’est l’homme, le mâle de l’espèce humaine qui apparaît. Plusieurs questions se posent dès lors: peut-on dire effectivement que la sexuation n’est pas une question philosophique et que traiter de la femme ou des rapports entre l’homme et la femme ne sont pas le lot des philosophes? Où se trouve le seuil 86 La rationalité, une ou plurielle? ou la limite qui permet de distinguer chez un philosophe, une réflexion philosophique sur l’humain asexué, neutre et l’humain sexué? N’est-il pas une illusion de réflexion et/ou de lecture que de penser que les philosophes traitent de l’être humain en général? Et si la philosophie occidentale est incapable de fonder son recours à la sexuation parce qu’elle l’occulte, peut-on fonder le caractère sexué de l’être humain grâce à ces autres formes de rationalisation de l’existence des sexes que sont les cultures africaines? En quoi et pourquoi la rationalité sur les questions humaines, mais fermée sur la sexuation peut-elle être à l’origine de bien des injustices sociales? Enfin, pourquoi faut-il opter pour la non- occultation de la sexuation tant dans le domaine métaphysique que dans celui des sciences sociales et politiques? Évidemment, cette option doit être sous-tendue par une méthode qu’il nous faut rappeler ici. Question de méthode La question est de savoir quelle méthodologie on peut adopter pour une recherche qui traite de l’apparence de la nature humaine en supposant un contenu camouflé ou occulté et qui, dans la même veine, s’étend sur la sexuation, c’est-à-dire le fait d’être mâle ou femelle. Il faut dire que les questions sur la nature humaine et sur les rapports de sexes, tels qu’ils sont affirmés par les philosophes, ne constituent pas une nouveauté si l’on considère toutes les publications qui ont été faites sur le sujet, directement ou indirectement.2 Mais elles sont, malgré tout, nouvelles si l’on considère la durée de leur émergence dans le domaine des réflexions philosophiques, et surtout si l’on observe l’accueil qui leur est réservé dans le domaine des rationalités. En effet, il s’agit ici, de faire un effort réflexif et rationnel en partant du fait que les questions que nous posons aux philosophes, à la philosophie et aux cultures autres, vont de pair avec les questions qui se posent de nos jours, à la société globale, à l’humanité globale au sujet des...