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7 - La rationalité plurielle de Ratsimamanga
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7 La Rationalité Plurielle de Ratsimamanga Suzy Ramamonjisoa Défendre l’unicité d’une rationalité à laquelle toutes les cultures sont appelées tient plus de la rationalisation, d’une compulsion défensive qui, avec les acquis des sciences humaines sur le destin de l’homme vis à vis de son effort constant pour transformer le réel, se rattache plus au délire évolutionniste qu’à une démarche vraiment rationnelle tenant compte de l’état d’avancement des sciences en général. Dans le cadre de la mondialisation, on peut imaginer la possibilité d’expression de toutes les formes d’intelligence. Cette expression permettrait des échanges tels qu’il serait possible d’écrire une nouvelle histoire de l’humanité pour qu’elle soit plus vivable et plus durable. Les acquis du vingtième siècle ont déjà été partiellement recensés, mais il reste beaucoup à faire pour un bilan représentatif de tous les peuples, compte tenu de l’enfouissement de cultures entières. Nous sommes ici pour partager nos expériences sur la rationalité aujourd’hui. Très modestement, je voudrais y participer en présentant la vie et l’œuvre du Professeur Albert Rakoto Ratsimamanga qui vient de disparaître il y a exactement un an, en septembre 2001, l’an dernier. Ce n’est pas par hasard que j’ai approché ce témoin privilégié de notre histoire pour recueillir ses paroles vers la fin du siècle précédent. Jusque-là, mes travaux de terrain avaient eu lieu dans l’Ouest malgache, où les traditions dynastiques des Sakalava comportent des cultes de possession de type tromba qui m’avaient occupée de nombreuses années. J’en avais conclu que le principal obstacle au développement des communautés de base malgaches ne se trouve pas dans l’impossibilité d’organiser leur changement, mais bien dans la nature et la formation des élites pour marchander techniquement (au lieu de les subir) les formes possibles de changement pour la gestion de leur patrimoine, tant physique que spirituel. L’avenir du pays à mon avis se trouve pour beaucoup dans les capacités des élites à faire que les communautés de base puissent participer à la conscience et aux choix techniques de leur propre développement et d’une communication efficace avec elles pour la gestion de ce patrimoine commun. Cette orientation s’est imposée d’elle même de par la vison 69 Ramamonjisoa: La rationalité plurielle de Ratsimamanga qu’ont les malgaches de la hiérarchie, qui exclut la destruction des structures «féodales» du pays réalisée par un prolétariat organisé comme le voudrait une logique de type marxiste; tel que dans le meiji japonais, la critique interne des privilèges des sociétés malgaches qui empêchent le progrès de ces sociétés doit être faite par les privilégiés eux mêmes, qui ont accès au savoir et au pouvoir nécessaires pour saisir les aspects qui détruisent leur propre efficacité dans le pays et qui doivent cependant s’armer des outils nécessaires pour faire confiance dans les capacités de ces sociétés et les canaliser vers la construction d’un mieux être dont bénéficiera la majorité des Malgaches. J’ai décidé d’approcher le Professeur Albert Rakoto Ratsimamanga pour comprendre les raisons de son succès et participer à une anthropologie des élites malgaches. En l’écoutant, j’entrais dans l’histoire d’un grand personnage malgache dont l’influence sur l’histoire de Madagascar fut déterminante. Le premier volume d’«Albert Rakoto Ratsimamanga et moi» va paraître bientôt aux Éditions Présence africaine. La complexité du personnage m’interdit de croire avoir compris toute la pensée de Ratsimamanga, qui fera plus tard, j’en suis certaine, l’objet de nombreux travaux, mais j’ai essayé de dégager les principales pistes que j’ai pu saisir dans ce qu’il a exprimé dans un legs inestimable d’«Ancêtre vivant», razana velona qu’il était pour nous ces dernières années de sa vie si riche. À Madagascar, les ancêtres dignes de culte sont ceux que les sujets vivants décident d’honorer parce qu’imbibés de sacré, hasina, à leurs yeux. Le hasina est cette pulsion bénéfique parce que d’origine divine que possèdent certains individus, soit par leur naissance, soit par leurs actes. C’est le...