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6 Panafricanisme et lutte dans un monde multipolaire Bernard Founou-Tchuigoua Quelle sera l’issue de la crise actuelle du capitalisme ? L’extension du chaos multidimensionnel des pays périphériques à ceux du centre ; un stade du capitalisme régulé à nouveau par les autorités politiques et une participation forte de la société civile ; ou un postcapitalisme meilleur pour les êtres humains et l’environnement que le capitalisme et le soviétisme ? Les théories et politiques du régionalisme africain doivent être appréciées par rapport à ces enjeux. Dans les trois scénarios les méga-régions s’en sortiront mieux que les régions balkanisées. Or s’il existe bien des régions qui répondent aux défis du capitalisme techno-scientifique en dépassant les États-nations par la régionalisation, en revanche aucune loi interne à la mondialisation ne l’impose. Jusqu’à présent, aucune partie du quart-monde en général et de l’Afrique en particulier, ne connaît une véritable construction régionale comparable à l’Union européenne–qui souvent sert de référence. Au contraire la méga-entreprise produit, en Afrique et dans le quartmonde , des conflits entre États, ce que les panafricanistes conséquents ne sauraient admettre. Le panafricanisme classique de gauche qui s’étend du retour de Nkrumah en Afrique en 1947 à la formation de l’OUA en 1963, désigne l’ensemble des théories, idéologies et pratiques qui partagent deux paradigmes fondamentaux : a) il faut entre autres conditions que le continent et ses îles deviennent très rapidement le territoire de peuples unis dans un État-Afrique qui leur assure sécurité économique et politique extérieure, et développement socio-économique. L’hypothèse étant que la balkanisation en 53 États, dont les rapports sont potentiellement conflictuels ou manipulables par les intérêts anti-panafricanistes, est de nature à dévier ou à bloquer les efforts pour sortir de la grande crise qui dure depuis la première 90 Intégration régionale, démocratie et panafricanisme phase de la mondialisation capitaliste au XIVe siècle ; b) le temps travaille contre la formation de cet État ; plus il passe, plus les consciences nationales se cristallisent dans la balkanisation1 . Ces deux paradigmes du panafricanisme formulés en particulier par Nkrumah et Cheikh Anta Diop sont-ils toujours d’actualité ? Les exemples de la Corée du Sud et de Taiwan ne montrent-ils pas que le rattrapage économique est possible pour des États moyens – par le territoire et la population ? Ne voyons-nous pas l’Inde traîner et le Brésil se compradoriser malgré leur taille continentale ? Cuba ne tente-t-il pas une expérience postcapitaliste dans une région située dans ce que les États-Unis appellent l’hémisphère occidental ? Nous ne pensons pas que ces exemples invalident la recherche de l’unité africaine, car il s’agit d’une utopie mobilisatrice et opérationnelle à condition qu’elle intègre les exigences nouvelles que sont la démocratie, la protection sociale et le respect de l’environnement. Notre texte est une tentative de réponse à cette interrogation. Il est formé de trois parties. La première réactualise les arguments en faveur de l’urgence de la formation de l’État-Afrique, la deuxième est une critique de la substitution d’une intégration économique en trompe l’œil au projet panafricaniste. La troisième fait des propositions pour un panafricanisme post-libéral dans la perspective postcapitaliste. L’urgence de l’État-Afrique postlibéral Aujourd’hui il existe un large consensus entre les économistes qui ont étudié les révolutions techno-scientifiques qui ont eu lieu en Corée du Sud et à Taiwan. Trois invariants se dégagent : il a fallu réaliser sur plusieurs décennies des taux d’investissement supérieurs à 20 % financés essentiellement par l’épargne intérieure ; des systèmes éducatifs et culturels qui permettent d’éliminer l’analphabétisme et de rendre obligatoire la scolarisation jusqu’à 15 ans (Sonk 1997:148167 )–le fait que l’enseignement se fasse dans une seule langue, séculaire et nationale, a facilité les choses ; enfin, une agriculture performante orientée dans son syst ème productif, par le souci de faire de la sécurité alimentaire un des fondements de la sécurité nationale, de développer la campagne pour limiter l’émigration rurale et de sauvegarder un environnement productif...

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