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11 Enfants et jeunes dans le métier de la danse au sein des groupes musicaux modernes à Kinshasa Léon Tsambu Bulu Introduction Le travail des enfants, économique ou contraint, reste une question sociale et politique à cause des préjudices qu’il fait subir « à leur développement mental, physique et émotionnel » (http://www.droitsenfant.com/), mais aussi à l’avenir même d’une nation. Cette étude effectue une plongée dans le monde du showbiz congolais (RDC) afin de comprendre et expliquer une forme particulière du travail des enfants et des jeunes au sein des groupes musicaux modernes à Kinshasa, où ils sont engagés comme danseurs au point d’être devenus, surtout les filles, les acteurs les plus attendus des spectateurs des prestations vivantes et le point de mire des consommateurs des vidéoclips, frisant ainsi une sorte de voyeurisme. Autant la question musicale congolo-kinoise dans son ensemble souffre d’ostracisme heuristique, autant les réflexions thématiques et critiques sur le travail juvénile dans le secteur de la musique populaire urbaine n’ont jusqu’à ce jour bénéficié d’un intérêt majeur. Car l’on a souvent tendance à n’insérer le travail de cette catégorie sociale que dans le registre de la domesticité, de la prostitution choisie ou forcée, des micro-métiers de la rue, dans l’agriculture, l’artisanat et l’industrie, l’armée comme cela se décline dans les études et statistiques du BIT et de l’Unicef. Lorsque De Boeck traite de la question de l’enfance kinoise, c’est en termes d’une catégorie sociale d’oisifs (mais vivant parfois de petits métiers, de prostitution ou de larcins), de flâneurs diurnes et nocturnes appelés « shege », et particulièrement ceux « stigmatis és comme sorciers » (ntshor) – jetant ainsi le pont entre le jour et la nuit, le visible et l’invisible, l’exotérique et l’occulte –, victimes d’une exclusion sociale matern ée par le nouvel imaginaire hyperreligieux des églises néopentecôtistes qui, à la fois et paradoxalement, produisent une rhétorique de diabolisation de la figure du 198 Children and Youth in the Labour Process in Africa sorcier tout en offrant à ce dernier un cadre de « rédemption ». En plus, il fait allusion à une sous-catégorie d’entre elles, les fioti-fioti ou kamoke1 ou encore les nyonyo,2 devenues célèbres par leurs prouesses professionnelles dans la danse (De Boeck 2004). Il faut cependant noter que toutes les Fioti-fioti, Nyonyo ou petites filles danseuses ne se recrutent pas dans la rue. Wrzesinska qui pose de façon globale la problématique de l’enfance et de la jeunesse en Afrique, et particulièrement en RDC, passe en revue différentes stratégies de résorption du fléau, notamment la resocialisation (réinsertion ou placement en famille) des enfants de la rue et constate que pour les adolescents et jeunes adultes, la vie professionnelle ne leur est pas favorable à cause de la récession économique qui a entraîné aussi celle de l’emploi (Tshikala 2002:60). D’où, à mon avis, cette dynamique vers les professions libérales comme la danse et la musique qui ne réclameraient à la base que le talent naturel et le capital physique du corps. À son tour, Nicole Manimba (2000), citée par Inswan Sabakar (2004), s’interroge sur les déterminations psychologiques et sociologiques de l’engouement des filles vers la profession de la danse au sein des groupes musicaux à Kinshasa, et ce au détriment de l’école. La récession de l’emploi, la crise salariale, l’hyperprogrammation musicale télévisée (en situation de pluralisme médiatique) militent pour ce choix. Dans ce même ordre d’idées, Isabelle Kapinga (2002), au bout d’une enquête menée auprès de 50 filles danseuses prestant au sein des groupes musicaux de la capitale congolaise , confronte les variables d’âge, de scolarité, de revenu professionnel de la danseuse et de sa famille pour aboutir à une détermination du métier par la précarité sociale individuelle (intellectuelle) et collective (structurelle) avant de s’appesantir sur les conséquences sociales inhérentes à l’exercice de cette activité. Cependant, sa conclusion lui paraît contradictoire car, constate-t-elle, malgré le faible revenu salarial , la danseuse arbore des toilettes luxueuses ou coquettes, évocatrices d’une prostitution camouflée. Madibwila Itumba (2003), dont l’étude dégage...

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