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Capture du mouvement, intelligence du corps et sentiment de présence
- Presses de l'Université du Québec
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Capture du mouvement, intelligence du corps et sentiment de présence CANADA Normand MARCY Normand Marcy est artiste en danse, chercheur et infochorégraphe. Il travaille à l’intégration des interfaces numériques, dans sa pratique et en pédagogie, comme support à la création et à l’interprétation du mouvement dansé. Il a collaboré avec des équipes de recherche à l’Université du Québec à Montréal et au Laboratoire de recherche-création en technochorégraphie (LARTech). De 2005 à 2012, j’ai effectué des recherches sur le mouvement humain au LARTech (Laboratoire de recherche-création en technochorégraphie, Université du Québec à Montréal), sous la direction de Martine Époque et Denis Poulin1 . J’y ai notamment occupé les fonctions d’opérateur de système de capture du mouvement, d’infochor égraphe et d’analyste du mouvement. Les deux projets principaux sur lesquels j’ai travaillé sont une Collection numérique 3D de signatures motrices de danseurs québécois et une version du Sacre du printemps en infochorégraphie. Le compagnonnage réflexif que nous avons toujours effectué autour de la recherche-création menée au LARTech nous a permis de mettre en relief plusieurs concepts, dont celui de personnalité du mouvement2. Ce sera l’axe giratoire autour duquel je grefferai d’autres concepts tels l’impression de poids, le sens du 1. , consulté le 18 avril 2013. 2. Normand Marcy, Martine Époque et Denis Poulin,« Le projet NoBody Danse : une recherche-création particulière », Leonardo/Olats, Études et Essais, août 2007, , consulté le 18 avril 2013. 254 Personnage virtuel et corps performatif mouvement3 , la mémoire du corps, les kinesthèses4 et l’empathie5 , afin d’expliquer l’émergence d’un sentiment de présence chez le spectateur, face à une scène virtuelle dans laquelle on retrouve le mouvement réaliste6 d’un personnage. Dans la même ligne de pensée que la médiologie, je considère les interfaces numériques comme des moyens de connaissance du monde. Je pense donc qu’il est possible d’utiliser les outils technologiques de capture du mouvement pour nous aider à repérer les facteurs neurophysiologiques nous permettant de croire qu’il y a de la présence dans une scène virtuelle où l’on retrouve un personnage dont le mouvement nous apparaît réaliste. Voilà pourquoi, entre autres, je parlerai davantage d’un «sentiment» de présence. Effet ou sentiment de présence? Le phénomène de présence peut être défini comme un « effet » ou un«sentiment», selon le côté où nous nous situons, c’est-à-dire du côté de la production (effet) ou de la réception (sentiment)7 . «Bien que sentiment et effet de présence soient indissociablement liés, le sentiment de présence n’est pas qu’affaire de dispositifs, aussi sophistiqués soient-ils pour leur époque. Ce sentiment est conditionné par des facteurs psychologiques et culturels8 », précise à ce sujet l’artiste et chercheur Marc Boucher. J’ajouterais même, pour les besoins de mon étude, par des facteurs neurophysiologiques. Cela dit, lorsque nous étudions de près le sentiment de présence perçu par le spectateur, dans un art dynamique tel que la danse, il nous apparaît naturel de relier le phénomène en question au corps dansant. Assez proche du théâtre, la danse profite des études qui ont été faites en ce sens sur le jeu de l’acteur. Or, si la notion de présence de l’acteur semble, pour plusieurs, 3. Alain Berthoz, Le sens du mouvement, Paris, Odile Jacob, 1997. 4. Edmund Husserl, «Le concept phénoménologique de kinesthèse», dans Chose et espace: leçon de 1907, Paris, Presses universitaires de France, 1989. 5. Gérard Jorland, «L’empathie, histoire d’un concept», dans Alain Berthoz et Gérard Jorland (dir.), L’empathie, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 19-49. 6. Pour obtenir plus de réalisme, les industries du cinéma d’animation et des jeux vidéo ont tendance à se tourner de plus en plus vers la capture du mouvement humain pour animer leurs personnages. C’est à ce type de réalisme que je fais référence. 7. Marc Boucher, «Nouvelles technologies et illusion d’immédiateté», groupe de recherche Performativité et effets de présence, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2006, p. 1, , consulté le 13 avril 2013. 8. Loc. cit. [3...