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24 Patrimoine, administration et opinion publique Deux siècles d’écoute, d’autisme et de surdité DROIT DE CITÉ POUR LE PATRIMOINE 196 L e 6 octobre 2005, le Centre des monuments nationaux et la Société des amis du château de Maisons organisèrent au château de Maisons­Laffitte un colloque intitulé Agir pour la défense du patrimoine: le rôle de la presse et des associations. Le texte qui suit correspond à la communication que j’avais été invité à prononcer en cette circonstance. En m’invitant à prononcer une communication, les organisateurs du colloque m’en avaient donné le titre: «L’Administration face aux cam­ pagnes de presse». Après mûres réflexions, j’estimais qu’il était préférable que ce fût à l’auteur lui­même de choisir ce qui annonçait ce qu’il entendait dire; aussi leur envoyais­je le titre suivant, qui me paraissait exprimer davantage mes conclusions sur le sujet : « Administration et opinion publique: deux siècles d’écoute, d’autisme et de surdité». Quelle ne fut pas ma surprise quand, à la réception du programme définitif, je lus, à la place de ce que j’avais rédigé: «Administration et opinion publique: un dialogue impossible». Je protestai, on fit droit à ma demande, le programme du colloque fut modifié. L’incident, modeste, mérite tout de même qu’on s’y arrête car il me semble symbolique: on y voit le service de presse du Centre des monuments nationaux entreprendre de donner une forme plus polie au titre que j’ai choisi, tandis que moi­même, avec un (peut­être) vain amour­propre d’auteur, m’accroche à la rédaction que j’avais élaborée: le rythme me plaisait à l’oreille, la forme me semblait faciliter l’accouchement socratique de la réflexion. Or je dois faire un aveu: je n’avais pas bien compris qui organisait le colloque auquel on me demandait de participer. Je croyais que la Société des amis du château de Maisons en était le maître Pierre Cheuva / Photononstop La citadelle Vauban, à Lille.  [3.136.26.20] Project MUSE (2024-04-25 02:17 GMT) pAtrIMoIne, AdMInIstrAtIon et opInIon publIQue 197 d’œuvre, je découvris, à la faveur du petit litige que je viens de relater, que ce n’était pas elle, mais le Centre des monuments nationaux. Qu’au total, l’entreprise n’était pas portée par une initiative privée, mais par un service public, à la fois juge et partie dans le débat que je voulais évoquer. Si je l’avais su d’emblée, sans doute eussé­je spontanément choisi le titre tel que rédigé par le service de presse car il va de soi, dans notre pays, qu’on s’exprime différemment selon qu’on se trouve au sein de la société civile ou devant les autorités publiques. ■ ■ Les arrière-plans d’une question Il en est ainsi en raison des règles non dites qui régissent la plupart des dialogues: ou bien chacun conserve son mode d’expression, ou bien l’un des interlocuteurs adopte la langue de l’autre, ou bien l’un et l’autre tentent de trouver une langue commune. La première attitude garantit l’indépendance, mais tend vers l’autisme et la surdité; la deuxième et la troisième tendent vers l’écoute, mais peuvent conduire à l’aliénation intel­ lectuelle, car il n’est jamais gratuit d’abandonner son mode de pensée pour parler celui de l’autre. Si donc j’avais su le caractère officiel de la tribune depuis laquelle j’avais à m’exprimer, j’aurais probablement adopté les règles et les usages du langage administratif, je l’aurais fait spontanément car tel est l’usage et j’aurais probablement dit autre chose que ce que je m’étais fixé de dire. Vu sous cet angle, le dialogue patrimonial est­il possible? J’écarte le dialogue consensuel, qui porte sur une question dont la réponse met les deux interlocuteurs, l’Administration et l’opinion, immédiatement d’accord, par exemple s’il s’agit de la protection d’un édifice important ou du montant d’une subvention qu’on fixe par marchandage. J’écarte aussi le pseudo dialogue, celui qui informe, par conférence de presse, par exemple: ce mode autoritaire de transmission de l’information dissimule souvent la volont...

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