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15 Paris de 1970 à 1990 Un paysage défiguré par le règne du béton? DROIT DE CITÉ POUR LE PATRIMOINE 140 P aris a­t­il été défiguré par le béton au cours des années 1970 à 1990? A priori ce n’est pas évident. Pour deux raisons: le béton ne défigure pas toujours et n’est pas seul à le faire: l’emprise des voies ferrées, les lignes électriques et téléphoniques, les par­ kings, le goudron, etc. polluent au moins autant l’espace, construit ou non. Second argument: si l’on s’accorde sur la signification métaphorique qu’on donne au mot béton, à savoir urbanisme destructeur du parcellaire ancien et constructeur d’ensembles géants, force est de reconnaître, comme on le verra par la suite, que la périodisation proposée – 1970­1990 – n’est pas la mieux choisie pour qui voudrait dénoncer ce type de vandalisme. Il n’en reste pas moins que c’est au cours de ces années­là que l’opinion a pris conscience de façon aiguë que Paris, comme les villes antiques sous la poussée des Barbares, risquait bien, sinon de disparaître, du moins d’être à jamais défigurée. «Cernimus exemplis oppida posse mori.» – «Nous constatons, preuves à l’appui, exemplis, que les villes peuvent mourir.» Ce vers de l’obscur Rutilius Namatianus, poète de la fin de l’empire romain, devint du jour au lendemain célèbre: en 1977, Louis Chevalier l’avait placé en épigraphe de L’Assassinat de Paris. Dans ce livre tonitruant d’éloquence et de désespoir, qui a été opportunément réédité aux éditions Ivréa (1997), celui qui professait l’histoire de Paris au Collège de France analysait la période 1955­1975 et la chronique d’un meurtre annoncé. Au moment où Louis Chevalier prononçait son réquisitoire, une époque, cependant, était en train de se clore. À en juger par le diagramme de la construction privée dans l’intervalle 1960­19901, l’activité de la pro­ motion immobilière culmine en 1975; elle ne cesse de décroître par la suite. 1. La construction de logements; document APUR, 1992, dans Jacques Lucan (dir.), Eau et gaz à tous les étages. Paris, 100 ans de logement, Paris, Édition du Pavillon de l’Arsenal, 1992, 279 p., p. 269. Roger-Viollet Le CNIT en  construction dans le quartier de la Défense, 1958. [18.116.118.198] Project MUSE (2024-04-19 10:17 GMT) pArIs de 1970 à 1990 141 En somme, on bétonne moins… Pour autant, le phénomène n’efface pas ce qui s’est fait jusqu’alors et n’arrête pas forcément les coups partis ni les programmes lancés. Essayons donc de faire le point à l’aube des années 1970; puis examinons les faits nouveaux qui sont intervenus par la suite; et pour finir, esquissons un bilan critique de la situation dans cette décennie qui voit finir le siècle. ■ ■ Les années 1960 ou le modernisme triomphant ■ ■ Le Plan de 1967: «Paris dans vingt ans» Si l’on s’en tient aux décisions qui ont été prises en matière d’urba­ nisme à Paris au cours des dix premières années de la Ve République, il apparaît clairement que triomphe un courant bien précis dans la réflexion urbanistique: l’esprit de la Charte d’Athènes (1933) et des Congrès interna­ tionaux d’architecture moderne. Dans cette optique, l’héritage, soupçonné a priori de ne pas répondre aux besoins premiers des populations, doit céder la place à une vision modernisatrice de la ville. Telle est l’inspiration qui anime le règlement du Plan d’urbanisme directeur de Paris, approuvé en 1967, mais appliqué dès 19612. Sorti du cœur de la capitale défini comme le Paris historique, il faut innover: tourner le dos au double principe de l’îlot et de la rue, remodeler en profondeur la trame urbaine, construire en hau­ teur, rentabiliser le terrain d’assiette. Plutôt que d’entreprendre une analyse détaillée des prescriptions, il suffit de mentionner que la nouvelle règle­ mentation en matière de hauteur d’immeubles autorise 31 m dans le centre, 37 m en périphérie, 45 à 50 m dans la couronne et impose une limitation de l...

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