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7 Pour une histoire des vols d’objets d’art L’affaire Thomas et le vol de la châsse d’Ambazac DROIT DE CITÉ POUR LE PATRIMOINE 64 A u début du xxe siècle, le patrimoine des églises connut des heures sombres: il perdit son protecteur naturel, les conseils de fabrique, et se trouva dans un état d’abandon, sinon de droit, du moins de fait. Dans le même temps, conséquence de l’effort érudit du xixe siècle, ce même patrimoine se voyait mis en valeur par diverses expositions, singulièrement par l’Exposition de 19001 : du jour au lendemain, ces objets d’art devinrent célèbres, dans le même temps qu’ils se trouvaient sans défense. On assista alors à une série de vols qui émurent l’opinion et dont la conséquence fut la création par l’administra­ tion des beaux­arts d’un service des objets mobiliers confié à des inspec­ teurs, la rédaction de la loi de 1913 dont le chapitre II concerne les objets mobiliers, et l’élaboration d’une politique de protection matérielle des objets d’art. Un fait divers déclencha ce mouvement: l’affaire Thomas, dont le principal héros avait en 1907 dérobé la célèbre châsse d’Ambazac. ■ ■ Un fait divers à sensation Le 5 octobre 19072, le commissaire de police Artigues arrête à Clermont­Ferrand la dame Thomas et un de ses deux fils, Jean3 ; une per­ quisition à leur domicile4 permet la découverte d’une série de photogra­ phies d’objets religieux volés, des ouvrages d’histoire de l’art, des trousses 1. Exposition universelle internationale de 1900. Catalogue général officiel. Exposition rétro– spective de l’art français des origines à 1800, Paris, Imprimeries Lemercier, 1900, 392 p. 2. Le Matin du 6 octobre 1907. Le dossier de coupures de presse se trouve aux Archives nationales, F19 5616. 3. Les frères Thomas étaient fabricants de futailles. 4. Boulevard Pasteur à Clermont. Ministère de la Culture – Médiathèque du patrimoine, Dist. RMN – Grand Palais / François Garnier La châsse  d’Ambazac fait partie des nombreux objets d’art religieux dérobés dans les églises au début du xxe siècle. [3.149.233.72] Project MUSE (2024-04-26 03:38 GMT) pour une hIstoIre des vols d’obJets d’Art 65 de cambrioleurs, ainsi qu’une pharmacie de produits toxiques et des ins­ truments destinés à pratiquer des avortements… Les frères Thomas sont accusés du vol de la châsse d’Ambazac5. Deux jours plus tard6, Antony Thomas, le frère aîné de Jean7, se constituait prisonnier «pour sauver l’honneur d’une femme adorée»: car, disait­il, la perquisition de sa correspondance risquait de dévoiler le nom de sa maîtresse8. Il déclarait qu’il venait de vendre la châsse à Londres, qu’il avait été trahi par un antiquaire dépité de n’avoir pas pu profiter du vol de l’objet. Il racontait également la manière dont il était devenu cam­ brioleur: l’un de ses amis, antiquaire à Clermont, membre comme lui de la loge Les enfants de Gergovie, suggérait de proposer aux curés, persuadés que le gouvernement voulait les spolier par la loi de Séparation, de leur acheter des œuvres d’art conservées dans leurs églises et de les remplacer par des copies9, de façon à tromper les receveurs de l’enregistrement au moment de l’inventaire. Thomas devait toucher une commission pour chaque affaire réussie. D’emblée, trente ecclésiastiques acceptèrent ses propositions et tout alla à merveille. Bientôt, après s’être perfectionné en Angleterre auprès d’antiquaires, Thomas décida de dérober la châsse d’Ambazac qu’il partit vendre à Londres pour 2 000 livres sterling. Le 9 octobre10, un complice se constitue prisonnier, Antonin Faure11. Dans le même temps, la presse multiplie les commentaires : Thomas n’est pas le gros industriel ni le grand bourgeois qu’on dit; ce n’est pas un chef de bande, mais il appartient à un réseau organisé. On glose beaucoup sur ses activités de médecine parallèle12 et ses appartenances maçonniques. Le Peuple français13 accuse le ministre des Cultes14 d’avoir servi d’indicateur, l’administration des Cultes d’avoir fourni des photos et conclut: «Si l...

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