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4. Albert Germeau, un préfet collectionneur sous la monarchie de Juillet
- Presses de l'Université du Québec
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4 Albert Germeau, un préfet collectionneur sous la monarchie de Juillet DROIT DE CITÉ POUR LE PATRIMOINE 36«C e goût très prononcé du préfet pour les antiquités amuse beaucoup les habitants de cette ville et porte sur lui un petit ridicule à ce qu’il m’en a semblé voir: on le dit grand amateur et dénicheur de vieux émaux, de vieilles porcelaines, de vieux vitraux et de vieux meubles.» Décidément, le ministre de l’Inté rieur ne recevait guère de louanges sur Albert Germeau1, installé depuis peu de temps à la préfecture de Limoges…Pourtant, ce qui fit sa notoriété, du moins dans le petit monde des médiévistes, fut sa collection d’émaux limousins2, dont on lui faisait justement grief. N’apparaîtil pas aujourd’hui comme un précurseur éclairé, puisqu’il fut sans doute l’un des premiers avec Revoil, Durand, Du Sommerard, à s’intéresser aux œuvres médiévales? Éclairé certes, mais assez douteux pour ne pas hésiter à se livrer à des acti vités de faussaire, «trafiquant» quelques pièces pour les embellir3. Personnage haut en couleurs, ce préfet brocanteur est pourtant mal connu, encore qu’il ait retenu l’attention de deux historiens, Henri Contamine dans son étude sur le département de la Moselle dont Germeau fut dix ans préfet4, et Guy Thuillier qui en fait un prototype du moderne conseiller technique s’engageant dans une belle carrière grâce à son passage dans un cabinet ministériel5. 1. Arch. nat., F1 B I 16110, rapport du 26 octobre 1835. 2. Sa collection fut vendue en 1868, ce qui laisse supposer qu’il mourut vers cette date. 3. M.M. Gauthier a travaillé sur la châsse Germeau, parue dans l’Art pour tous, Paris, A. Morel, 1870, p. 248. C’était un faux constitué d’éléments authentiques. 4. Henry Contamine, Metz et la Moselle de 1814 à 1870. Étude de la vie et de l’administration d’un département au xixe s., Nancy, Société d'impressions typographiques, 19311932, 2 vol. 5. Guy Thuillier, «Les cabinets ministériels de 1815 à 1870», dans Les superstructures des administrations centrales. Institut français des sciences administratives, cahier no 8, 1973, p. 197. Voir également Philippe Delpuech, «Les membres des cabinets ministériels de 1800 à 1914», dans Origines des cabinets des ministères en France, Paris, Droz, 1975, p. 107176. RMN-Grand Palais / Franck Raux Châsse de Saint- Étienne de Muret en cuivre doré et émaux. Coffret orné de scènes de la vie du Christ (xiiie-xive siècles), issu de la collection privée d’Albert Germeau, actuellement conservé au musée national du Moyen Âge de Cluny à Paris. [3.85.211.2] Project MUSE (2024-03-28 18:07 GMT) Albert gerMeAu, un préfet collectIonneur sous lA MonArchIe de JuIllet 37 L’origine même de Germeau est mystérieuse. Né à Compiègne le 8 juillet 1798, il était, d’après Sauer qui fut archiviste de la Moselle pendant un demisiècle6, le fils naturel du baron Pasquier: «Maudit soit le jour qui l’a vu naître, écritil. Il est bâtard du duc Pasquier.» Affirmation gratuite, peutêtre, mais curieusement corroborée par Balzac. Ce dernier proposait à un collectionneur d’autographes divers manuscrits dont des lettres de«M. Germeau, fils naturel de M. Pasquier7 ». Quoi qu’il en soit, après des études de droit menées jusqu’au diplôme d’avocat, il se trouve secrétaire particulier de Pasquier luimême et des ministres CharlesHenry Dambray et Peyronnet8. En 1820 et 1821, il l’est du comte de Serre, lui envoyant presque quotidiennement des lettres sur la vie politique parisienne lorsque le ministre est absent9. En 1822, à 24 ans, il se trouve chef de la division du secrétariat général du ministère de la Justice10, mais, sembletil, pour un temps très court, de janvier à mars. Parallèlement, non content de ces activités administratives, il était lancé dans le journalisme. Le journal L’Étoile, feuille ultra, «l’organe le plus obséquieux de la Congrégation11 », lui appartenait; il le vendit dans le courant de l’année 1822, car les affaires du quotidien, soutenu à bout de bras par le ministère, périclitaient12. Làdessus, on perd sa trace. Que fitil pendant la seconde partie...