In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

L’importance et le rôle du temps dans les entreprises d’insertion au Québec Marco Alberio et Diane-Gabrielle Tremblay Cet article s’inscrit dans une recherche plus large, visant à comprendre la situation et les expériences d’une population défavorisée: les jeunes en «difficulté socio-économique», provenant de différents quartiers populaires de Montréal et engagés dans un parcours d’insertion socio-professionnel dans des entreprises d’insertion. Dans cet article, nous voulons nous concentrer sur l’importance et le rôle du temps – temps de vie et temps prescrit – dans les parcours d’intégration socio-professionnelle. L’objectif est de montrer comment le temps peut représenter une dimension décisive dans la reproduction des inégalités sociales (organisation et mode de vie selon des horaires propres, par exemple, au quartier et à la famille, et non alignés avec les exigences du marché du travail) et, surtout, un obstacle potentiel à la réussite de l’insertion socio-professionnelle. Les concepts principaux de notre analyse seront donc ceux du temps et de l’intégration socio-professionnelle, comme outil de socialisation aux exigences temporelles du marché du travail. Dans nos sociétés, le rapport au temps constitue une dimension fondamentale dans l’univers des acteurs sociaux. Le temps concerne en fait la structuration des attitudes et des comportements. Il s’agit plus précisément d’une organisation nécessaire des actions et des objectifs de réalisation personnelle et professionnelle en lien avec le temps (Pronovost, 1996; Trottier, Gauthier et Turcotte, 2007). Quand nous abordons le sujet du temps, à partir d’une perspective sociologique, il faut toujours considérer ces trois dimensions. En premier, le passé, qui représente une référence importante pour l’individu, parce que ce passé a pu structurer soit un ensemble d’opportunités, soit au contraire des contraintes, avec une forte influence sur le développement individuel. La dimension du passé est centrale dans notre analyse qui se concentre sur les parcours d’insertion socio-professionnelle des jeunes en difficulté socio-économique. Dans le cas de notre cible, il s’agit en fait souvent 134 Temporalités sociales, temps prescrits, temps institutionnalisés d’un cumul de problématiques au fil du temps qui, à travers les années, ont pu s’aggraver et s’additionner. Une deuxième dimension importante est clairement le présent, le moment dans lequel l’individu vit ses difficultés, mais aussi le point d’un nouveau départ. C’est dans cette dimension temporelle que les actions se passent et que l’individu peut donc déterminer de quelle façon changer la troisième dimension fondamentale: son futur, incluant ses ambitions. Dans notre recherche, nous avons donc voulu tenir compte de ces trois dimensions à travers lesquelles l’insertion socio-professionnelle, grâce aussi à l’outil de l’intervention psychosociale, est conduite. Dans le cas des jeunes, le rapport au temps passe surtout à travers une socialisation aux prescriptions temporelles, qu’ils apprennent dans des environnements tels que la famille, l’école et, bien sûr, leurs premières expériences de travail. Il y a donc plusieurs variables qui influencent le rapport des jeunes au temps, en particulier, les caractéristiques de la famille d’origine, tel que le statut socio-économique (Pronovost, 1996; Trottier, Gauthier et Turcotte, 2007), la culture familiale, les habitudes et les styles de vie. Plusieurs auteurs (Charlot, 1999; Alberio, 2012; Alberio et Tremblay, 2013) soulignent en fait que les jeunes des milieux populaires et leurs familles semblent avoir un rapport au futur différent de celui des jeunes de classes moyenne et supérieure. Les couches de classe moyenne arrivent à mieux planifier le parcours éducatif à long terme, en vue d’assurer aux enfants une réussite et une mobilité sociale qui soit ascendante ou, au moins, une situation égale à celle des parents (Trottier, Gauthier et Turcotte, 2007). Tel qu’il a été démontré dans différents contextes institutionnels (Périer, 2004; Alberio, 2012), bien que les familles de milieux populaires essaient de mettre en place des stratégies, elles sont souvent moins efficaces en termes de capital social, culturel et de planification à long terme. Un exemple: les stratégies d’évitement scolaire, une pratique mise en place par les familles de classe moyenne depuis l’école primaire et surtout du secondaire, pour éviter certains établissements à haute concentration populaire et immigrée. Une pratique à laquelle les familles de classe populaire ne...

Share