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INTRODUCTION À L’ŒUVRE [13.59.136.170] Project MUSE (2024-04-18 05:56 GMT) Je pense à un coin perdu du Nord-Ouest canadien, dans les contreforts des montagnes Rocheuses. Il y a là une pierre, arrachée au rocher, sur laquelle une main malhabile, – la mienne – a sculpté un lys, et gravé cette légende:«Telle qu’elle était en son vivant1». Maurice Constantin-Weyer Le narrateur de La loi du Nord, Louis Walferdin, raconte, dans un récit à la première personne, ses souvenirs douloureux d’une expédition dans le Nord-Ouest qui a mal tourné. Si l’on ne connaît pas les motifs qui le poussent à s’y replonger plusieurs années après, sa mémoire de cet épisode tragique semble toujours aussi vive, car il se rappelle clairement le déroulement des événements, des paysages entrevus, le fil de ses pensées. Trafiquant en fourrures, ce Français arrivé au Canada « par le goût de l’aventure» (96) cinq ans avant l’incident raconté, perd celle qu’il aime à l’occasion de cette périlleuse tentative 1. Maurice Constantin-Weyer, La loi du Nord ou Telle qu’elle était en son vivant, 2013, p. 73. Les références subséquentes à la présente édition du roman seront données entre parenthèses dans le texte immédiatement après la citation. [ 36 ] LA LOI DU NORD de traverser les montagnes Rocheuses. Ce « coureur des solitudes » (243), qui se croyait pourtant immunisé contre l’amour, ne se remettra jamais tout à fait de cette perte, pas plus, d’ailleurs , que ses deux compagnons d’infortune, Robert Shaw et le caporal Dalrymple, comme le laisse entendre la fin du roman. C’est qu’eux aussi étaient amoureux de Jacqueline Bert, que le narrateur présente comme une femme exceptionnelle, dont la mort vient en quelque sorte priver leur existence de sens. Ils étaient tous prêts à se sacrifier pour elle; c’est plutôt elle qui les devance sur ce terrain. Roman d’amour, La loi du Nord, de l’auteur français Maurice Constantin-Weyer, se double d’un roman d’aventures puisque les personnages doivent affronter de nombreux ­ obstacles dans le milieu pour le moins inhospitalier où ils évoluent. Mais La loi du Nord est également un roman de la quête intérieure, celle qu’engendre nécessairement la traversée du grand désert blanc, selon l’imaginaire rattaché à l’espace nordique2 . La loi du Nord a d’abord paru à Paris en 1936 sous le titre Telle qu’elle était en son vivant3 . Ce n’est qu’en 1947, après la sortie en version intégrale du film La piste du Nord ou La loi du Nord4 tiré du roman de Constantin-Weyer, qu’une nouvelle édition du livre est publiée sous le titre La loi du Nord ou Telle qu’elle était en 2. Je reviendrai plus loin sur cette question. Consulter les pages 50-64 de la présente introduction à l’œuvre. 3. Maurice Constantin-Weyer, Telle qu’elle était en son vivant, Paris, Librairie des Champs-Élysées, 1936, 254 p. Voir la note 1 de l’introduction à l’auteur. 4. À ce propos, voir les pages 31-32 de l’introduction à l’auteur. [ 37 ] INTRODUCTION À L’ŒUVRE son vivant5 . Ce titre double reflète bien deux aspects du roman. Le second insiste sur l’histoire d’amour – celle d’un carré amoureux – tandis que le premier met l’accent sur le lieu particulier où se déroule l’histoire, soit le Grand Nord, représenté comme un espace sauvage imposant sa propre loi, celle de la nature impitoyable qui force les hommes – et les rares femmes qui s’y aventurent – à se mesurer à eux-mêmes. En effet, ce territoire à la frontière du monde civilisé pousse les individus dans leurs derniers retranchements, les obligeant à laisser tomber le masque imposé par les conventions sociales pour se dévoiler tels qu’ils sont réellement. Le lys6 , que le narrateur grave sur la pierre tombale de fortune érigée pour celle qui s’est révélée, à travers les épreuves, dotée d’une grande force morale, correspond ainsi à l’image que les trois hommes veulent conserver de cette femme qu’ils ont conduit à sa perte en l’entraînant – de son plein gré – dans les Rocheuses. Le roman, qui serait inspiré d’un fait réel7 , raconte ainsi l’histoire de deux fugitifs, le...

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