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CHAPITRE 7. LE DÉVELOPPEMENT BILINGUE DES ÉLÈVES AUTOCHTONES UN ÉTAT DE LA QUESTION YVONNE DA SILVEIRA UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE Pour bon nombre d’enfants des pays industrialisés, le développement de la langue maternelle se fait au foyer et se poursuit à l’école qui en consolide les acquis, notamment par le développement de l’écrit. L’apprentissage scolaire d’une langue seconde se fait plus tard et ne semble pas représenter un enjeu d’ordre politique ou social par rapport à l’existence de la langue première, tant il apparaît comme une richesse qui s’ajoute au premier bagage linguistique et culturel. La situation est tout autre dans un environnement où se côtoient des langues à statuts différents, les usages langagiers reflétant l’histoire et les rapports entretenus par leurs locuteurs. Le Québec en est un exemple éloquent. Étant dans une mer anglophone, cette province, par son histoire et sa situation géographique, a été et est encore dans une situation de bilinguisme anglais-français. Si la Charte de la langue française ou Loi 101 promulguée en 1977 lui a permis de sauvegarder sa langue, des appréhensions subsistent encore dans la population quant à sa perte de terrain au profit de l’anglais. Aussi, dans le domaine de l’éducation, la place de l’anglais langue seconde est-elle un objet de débat récurrent dans la société quant à l’année de son introduction à l’école primaire ? L’idée d’une éventuelle législation afin de rendre les études collégiales obligatoires en français se situe dans cette même veine. Contrairement à la situation québécoise, dans les communautés autochtones du Québec et du Canada, une fois passée la période coloniale d’imposition d’une langue dominante, le français ou l’anglais, par le biais de la scolarisation forcée, le bilinguisme ou même le trilinguisme a été adopté comme une façon de préserver la langue et la culture première en 126 La formation des enseignants inuit et des Premières Nations même temps que de participer à la modernité. C’est le cas des communaut és inuit et de plusieurs des Premières Nations qui parlent encore leur langue maternelle. Ainsi, ces communautés sont constituées de générations unilingue, bilingue et trilingue selon l’âge et la fréquentation scolaire de leurs membres. Ce profil linguistique signifie que, dans ces communautés où le lien avec la famille élargie est très fort, les jeunes se retrouvent dans une situation complexe de développement identitaire bilingue ou trilingue, où les langues autochtones et non autochtones en contact et même d’autres formes émergentes et moins valorisées de ces langues (Stairs, 1994 ; Patrick, 2007) sont en usage. Ils développent ainsi leur identité culturelle par des interactions extrascolaires et scolaires intégrant des valeurs associ ées aux langues dans un contexte de transformation rapide sur les plans économique, social et culturel. Comment ces jeunes composent-ils avec ces usages, témoins d’une transformation de leur culture de base, qu’ils côtoient et qui fondent leur identité culturelle ? Quel type de bilinguisme développent-ils dans cette situation ? Quels sont les éléments des socialisations première et scolaire qui contribuent au développement scolaire dans ce contexte ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous décrivons le contexte des contacts des langues dans lequel vivent les jeunes Autochtones en nous basant sur l’exemple du Nunavik. Nous montrons l’ampleur du défi auquel fait face l’élève de culture orale en apprentissage scolaire ancré dans l’écrit. Nous rapportons ensuite une synthèse de la recherche sur le dévelop­ pement bilingue qui nous amène à souligner les formes de bilingualité et ce qu’elles impliquent. Enfin, nous émettons des hypothèses sur le rôle de la perception qu’ont les élèves autochtones des cultures en contact dans leur développement identitaire. 1. Le contexte historique des contacts des langues autochtones et non autochtones: l’exemple du Nunavik La littérature consacrée aux réalités autochtones du Canada et du Québec souligne depuis quelques années des changements culturels profonds intervenus chez les Autochtones à partir de leurs contacts avec les cultures euro-canadiennes (Vick-Westgate, 2002 ; Dorais, 1979, entre autres). Les moteurs importants...

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