-
3. De l'immobilisme à l'appropriation citoyenne : Regard sur le processus d'acceptabilité sociale à Montréal
- Presses de l'Université du Québec
- Chapter
- Additional Information
3 CHAPITRE DEL’IMMOBILISME ÀL’APPROPRIATION CITOYENNE Regard sur le processus d’acceptabilité sociale à Montréal JEAN SAVARD [54.225.35.224] Project MUSE (2024-03-28 10:37 GMT) De l’immobilisme à l’appropriation citoyenne 47 1. L’ÉMERGENCE D’UN NOUVEAU PARADIGME Au registre des grands projets, la décennie 2000-2010 a été marquée, à Montréal, par une sombre traversée du désert. Après la valse gouvernementale qui a fait passer le projet du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) du quartier Rosemont au centre-ville, suivie d’une parenthèse en faveur de l’arrondissement d’Outremont puis d’un retour définitif au centreville , rares étaient les Montréalais qui croyaient alors que le projet allait un jour se réaliser. Le doute s’était même emparé de l’opinion publique au sujet du projet du Centre universitaire de santé de McGill (CUSM) sur le site Glen, pour lequel les travaux de planification se poursuivaient pourtant rondement. Puis, début 2006, quelques mois seulement après avoir dévoilé ses ambitions, Loto-Québec abandonne son spectaculaire projet de casino au bassin Peel – projet auquel était pourtant associé le Cirque du Soleil – en raison principalement de la vive réaction du milieu sociocommunautaire, opposé à l’implantation d’un casino à proximité d’un quartier populaire. Aux yeux d’un grand nombre, la participation du Cirque au projet de casino offrait pourtant une garantie absolue de succès en raison de l’affection particulière portée à la multinationale du divertissement par l’ensemble de la collectivité montréalaise. Il importe ici de souligner que dans l’univers de la créativité, laquelle caractérise avantageusement les sociétés postindustrielles d’avantgarde , le Cirque du Soleil est devenu, en de nombreux lieux, un réel facteur identitaire pour Montréal. Pour plusieurs, notamment dans le milieu des affaires, l’abandon du projet de casino au bassin Peel a eu l’effet d’un véritable séisme. Magistrale, l’onde de choc, ajoutée à l’hésitation entourant le CHUM, est venue éteindre, pendant quelques années, tout espoir de voir se réaliser quelque grand projet que ce soit à Montréal. Pendant que la communauté d’affaires faisait son examen de conscience, estimant avoir été incapable de se mobiliser et d’occuper l’espace public pour faire contrepoids aux opposants au projet de casino, l’immobilisme devenait le maître mot des chroniqueurs et des éditorialistes montréalais. Il l’est resté pendant cinq ou six ans. 1 1 Combattre l’immobilisme ambiant S’amorce alors à la Direction du développement économique et urbain de la Ville de Montréal (DDÉU) un début de réflexion sur la problématique de l’immobilisme. Lancée selon le modèle classique d’analyse de la communication publique, laquelle, en raison de budgets limités, tente généralement de renverser des perceptions défavorables à coup essentiellement de relations Communication et grands projets 48 de presse, la réflexion s’est rapidement tournée vers l’univers des parties prenantes. Inspirés par la nouvelle Politique de consultation et de participation publique adoptée en 2005 par le conseil municipal, les travaux de la DDÉU, plus empiriques que systématiques, s’intéressent à la démocratie participative et à la mouvance au sein de la société civile, laquelle, observent certains chercheurs , devient plus pragmatique qu’idéologique, passant progressivement de la contestation à la concertation. 1 2 L’acceptabilité sociale : un nouveau paradigme Par ailleurs, la Société immobilière du Canada (SIC) amorce, au printemps 2007, une importante démarche d’interaction avec la population et les parties prenantes dans le cadre de son projet de requalification de l’ancien centre de tri postal de Postes Canada en bordure du canal de Lachine, à un jet de pierre du site pressenti deux ans plus tôt pour le projet de casino. Les deux sites se trouvent dans d’anciens quartiers industriels voisins immédiats du centre-ville de Montréal. Début 2009, au terme de 18 mois d’échanges avec les parties prenantes, la SIC soumet son plan directeur à l’Office de consultation publique de Montréal. Après avoir entendu et étudié 24 mémoires, les commissaires, fait rarissime, ouvrent la conclusion de leur rapport en reconnaissant que «[l]e Plan directeur proposé par la SIC s’appuie sur un consensus établi au sein de la...