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Chapitre 4 Gros plan sur six photographies«Jamais aucune explication d’image ne peut rendre compte de tout ce que contient un document. Le seul équivalent de l’image demeure l’image elle-même. Armé de cette leçon de modestie fondamentale, chacun doit donc s’apprêter à lutter sans relâche contre l’imperfection.» Gervereau, L (2000) Voir, Comprendre, analyser les images, Paris, La Découverte, p 10 Les caricatures de Mahomet entre le Québec et la France 106 Travailler sur des photographies de presse en faisant abstraction du texte qui les accompagne, c’est considérer que l’image peut être saisie indépendamment de lui. Comme on l’a vu dans le chapitre précédent, la photographie de presse n’est pas toujours reléguée à la fonction d’illustration, elle initie même parfois le texte informatif. Cela étant, la production paratextuelle , qui fatalement interfère avec le rapport entre le texte et son illustration , doit être prise en considération. Car si l’image nous donne à «voir» quelque chose, notre rapport à l’image, qui est un travail individuel de l’imagination (et qui donc engage un réseau d’images autoconstitué dans l’imagination), peut nous conduire à voir autre chose que ce que l’on nous présente. Iouri Lotman a montré l’importance de considérer la polysémie thématique des éléments convoqués dans les images1 . Comme toute image, la photographie de presse puise dans l’inconscient du lecteur et l’entraîne à tisser des liens avec d’autres textes et d’autres images de sa culture générale personnelle. De ce point de vue, il est parfaitement légitime de se pencher sur ces photographies en faisant abstraction des textes qui leur sont liés par une traditionnelle contingence spatiale. C’est pourquoi nous avons sélectionné un échantillon de six photographies dans Libération et Le Devoir, en suivant les diverses thématiques relevées au cours de notre analyse globale. Nous tentons ici de proposer une analyse riche et détaillée de ces photographies de presse, retenues à la fois pour le contenu représentatif de l’ensemble et pour leur intérêt esthétique. De plus, l’étude de cas s’est imposée à nous parce qu’elle nous permet de nous inscrire dans une tradition de l’historiographie contemporaine2 . Quatre points sont abordés dans notre analyse. D’emblée, nous effectuons une rapide mise au point à propos du contexte des photographies sélectionnées (la page de publication et le sens attribué à cette page). Ensuite, nous procédons à la mise en texte de la photographie, c’est-à-dire une brève description de la photographie analysée. Quant au troisième aspect, l’étude du message plastique, il nous permet de nous pencher sur ce que Barthes 1 Lotman, I (1975) Structure du texte artistique, Paris, Gallimard 2 Si les courants historiographiques dominants en France ont longtemps mis l’accent sur l’étude des masses, la microhistoire, reconnue comme majeure à la fin des années 1980, conduit les historiens français à se saisir de phénomènes historiques complexes en se penchant sur des événements ou des sources d’envergure limitée Méthode heuristique, l’étude de cas est un glissement d’échelle qui se manifeste par l’analyse de cas singuliers choisis en fonction de leur capacité à synthétiser et à épouser des modèles plus généraux L’intérêt que peut présenter une telle approche réside dans son potentiel de représentation, et toute analyse de cas se doit, par conséquent, de déboucher sur des hypothèses générales [18.223.172.252] Project MUSE (2024-04-19 13:18 GMT) Gros plan sur six photographies 107 désigne comme le sens second du message photographique3 . Parmi les premiers constats à établir, il faut souligner le fait que la photographie est imprimée dans un journal et donc, en partant, sur un papier reconnu par tous (par le toucher comme par l’odorat) comme du «papier journal». De par sa fonction et son utilisation, ce dernier est lié dans l’inconscient collectif au caractère public et informatif de son contenu. Aussi la photographie publiée sur ce type de support est-elle lourde de signifiés: elle se doit de contenir un message d’information en lien avec l’actualité. On s’accorde également pour dire qu’elle renvoie...

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