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Chapitre 3 Les «sports de la cité» Comparaison entre 1994 et 2012 Michel Fodimbi et Pascal Chantelat C’est l’irruption de la question des banlieues dans le champ social et politique français dans les années 1980 qui a amené la sociologie à s’intéresser aux pratiques sportives des jeunes habitants des zones urbaines défavorisées. Du fait de cette proximité, ces activités culturelles ont été reliées en permanence à la problématique de l’immigration et de l’intégration , avec comme conséquence principale d’orienter profondément les interprétations sociologiques les concernant. Au lieu d’observer ces pratiques en tant que telles, elles l’ont été pour ce qu’elles avaient ou auraient eu à dire sur la question de l’intégration des jeunes étrangers en France. 50 Les nouvelles territorialités du sport dans la ville En opposition à ces points de vue, nous avons entrepris en 1994, dans une perspective socioanthropologique, l’étude de ces «sports de la cité» (Chantelat, Fodimbi et Camy, 1996) en tant que pratiques culturelles de la jeunesse. Une vingtaine d’années après cette recherche, la pérennité de ces activités pose la question de leur évolution: possèdent-elles encore les caractéristiques qui en faisaient des «sports de la cité», c’est-à-dire des sports urbains? Sont-elles toujours encore des espaces de négociations et d’expression de formes de citoyenneté ? Notamment le basketball et le football de rue présentent-ils les mêmes caractères, les mêmes formes, sont-ils joués de la même manière, ont-ils le même sens pour les joueurs qu’alors? Telles sont les questions principales auxquelles l’étude que nous avons entreprise se propose de répondre, et dont le présent article présente les premiers résultats. Notre propos n’est pas de développer une réflexion sociologique sur le changement ou sur l’évolution sociale, d’autant plus que le périmètre très réduit des pratiques observées rendrait vaine toute tentative de mise en rapport entre leurs formes et sens, avec d’hypothétiques facteurs de changement social. Dans une première partie, nous allons rappeler les principaux résultats de l’étude de 1994 concernant les sociabilités et les citoyennetés sportives des jeunes pratiquants des quartiers sensibles, en prenant soin de rappeler le décor sociopolitique des années 1980 et 1990. La seconde partie traite de l’évolution de la question des banlieues, pose le cadre de la nouvelle enquête et présente les premiers résultats obtenus. La conclusion revient sur la place des «sports de la cité» dans l’environnement des pratiques sociales. 3.1. L’étude de 1994 sur les sports auto-organisés 3.1.1. Le contexte sociopolitique:«les événements des banlieues» On peut distinguer deux temps dans l’apparition des émeutes urbaines en France, auxquels correspondent deux orientations de l’action publique. D’abord, celui de la découverte de ce que l’on pense être un phénomène passager auquel il faut apporter une réponse, qui correspond à la période 1982 à 1990. Puis, à partir des années 1990, la prise de conscience du caractère durable de cette question, et le transfert progressif de la causalité du phénomène depuis l’environnement socioéconomique vers la responsabilit é individuelle. Avec les événements des Minguettes à Vénissieux en 1981, on découvre avec stupeur le «malaise des banlieues» qui s’exprime de manière spectaculaire par des rodéos de voitures volées et par les affrontements des jeunes avec la police. Dans le contexte de l’arrivée de la gauche au pouvoir, le gouvernement met en place un ensemble d’actions visant [3.138.200.66] Project MUSE (2024-04-26 14:51 GMT) Les «sports de la cité» 51 à apaiser les tensions. Les médias, relayant les prises de positions des hommes politiques, banalisent l’idée que ces émeutes urbaines traduisent l’échec de l’intégration des jeunes d’origine étrangère. Les services sociaux, l’école, les formations, la culture ayant fait faillite, il s’agit de proposer de nouvelles choses. Les pouvoirs publics commandent dans l’urgence des rapports (Dubedout, 1983) pour essayer de cerner les raisons profondes des révoltes. Ceux-ci seront aux fondements de la Politique de la Ville, basée sur des actions innovantes qui...

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