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Chapitre 2: Les territorialités sportives transmodernes en émergence
- Presses de l'Université du Québec
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Chapitre 2 Les territorialités sportives transmodernes en émergence Jean Corneloup La dynamique de nos sociétés est attachée à la production de formes sociétales par lesquelles les pratiques se construisent, se développent et se transforment. Nombreux sont ainsi les théoriciens qui cherchent à présenter ces configurations historiques (Elias, 1991) qui animent le mouvement de nos sociétés. En référence à une approche structurelle des pratiques sociales (Corneloup, 2002) se dessinent des cadres de lecture qui tentent de différencier ces moments de l’histoire. Dans le cadre de cet écrit, nous proposons d’évoquer l’existence de formes culturelles dans l’approche des pratiques sportives urbaines en portant notre propos sur l’analyse d’une forme montante, la transmodernité, qui nous semble largement active dans la reconfiguration des métropoles. 34 Les nouvelles territorialités du sport dans la ville 2.1. Cadre théorique Sans faire explicitement référence aux théoriciens de la forme (Simmel, Maffesoli, Spengler, Worringer, Durand…), notre propos consiste à qualifier des ensembles culturels composés de différents actants (objets, acteurs, publics) qui participent à définir une culture sportive spécifique. S’intéresser aux formes culturelles, c’est porter un regard sur la manière dont des acteurs et des publics s’investissent dans une dynamique culturelle. Celle-ci traduit l’ensemble des pratiques sociocorporelles, des usages sociaux et des représentations que l’on peut définir comme emblématique d’une époque et qui s’inscrit au sein d’une organisation plus ou moins formalisée. Sur un plan épistémologique, notre présentation participe d’une sociologie compréhensive combinant les approches spéculatives et empiriques pour qualifier le contenu des formes culturelles. Différentes recherches ciblées ont été effectuées pour analyser dans un cadre plus formalisé les propos présentés. Ces travaux sont évoqués dans le texte et leurs références, indiquées dans la bibliographie. On abordera ici la territorialité comme l’étude des pratiques sociales par lesquelles des territoires se construisent, se singularisent et marquent de leur empreinte le développement local. Une priorité théorique est accordée au constructivisme pour qualifier notre manière de penser l’action territoriale (Pecqueur, 2006). Les territoires ne sont pas façonnés par des forces exogènes non contrôlables et activables par les acteurs d’un lieu. Plusieurs formes de développement sont possibles (Corneloup et al., 2001). En fonction du contexte, des ressources disponibles, des formes de liens choisies et des échanges contractables, une orientation sera prise. Les territoires ne sont donc pas identiques. Des variations se dessinent qui légitiment le détour par la notion de territorialité induisant une mise à distance de la spatialité lisse, au sens de Lussault (2007) comme seul concept théorique pour penser la pratique urbaine. Au fond, la cité urbaine serait marquée par cette duplicité entre la spatialité (uniformisante) et la territorialit é (singularisante), créatrice d’une tension entre des logiques poli tique, géographique et culturelle paradoxales. Cette tension est elle-même renforcée par l’existence de plusieurs formes culturelles marquées par différentes urbanités sportives. L’enjeu transmoderne serait justement de trouver des liens et des liants pour construire une urbanité acceptable. 2.2. La forme traditionnelle Sous cette dénomination, on évoque toutes les pratiques récréatives qui expriment une disposition à des jeux de force, d’adresse, d’équilibre, de stratégie ou de divertissement. De tout temps, le monde a pris plaisir au jeu, que l’on pense aux jeux de boules, à la chasse, à la pêche, aux jeux de [44.201.99.133] Project MUSE (2024-03-29 09:36 GMT) Les territorialités sportives transmodernes en émergence 35 cartes et aux autres jeux de cirque et de foire. Les fêtes villageoises et de quartier participent à animer la vie sociale. Tout un monde s’est constitu é autour des jeux traditionnels (marelle, épervier, barres, lutte bretonne…) qui marquent de leur empreinte les régions et les localités. Les règles sont diverses et variées sans unité de lieu, de temps et de nombre. Le sud de la France est un exemple géographique de large diffusion de ces pratiques (corrida, tambourin, pelote basque, joute fluviale…). Globalement, si ces pratiques se sont largement développées dans les campagnes, les villes et les métropoles ne sont pas en reste. Les animations de quartier, les...