Les nouvelles territorialités du sport dans la ville

Chapitre 1: Les nouvelles spatialités du sport dans la ville L’exemple de Bordeaux

Chapitre 1 Les nouvelles spatialités du sport dans la ville1 L’exemple de Bordeaux Jean-Pierre Augustin 1. Cette communication reprend et complète un article de Jean-Pierre Augustin paru dans la revue Sud-Ouest européen, no 22, 2006, p. 127-140. Depuis plus de quarante ans, les cultures sportives s’approprient l’espace urbain et périurbain et rythment le temps des villes. Ces évolutions touchent l’ensemble de la société française, mais elles prennent à Bordeaux des configurations singulières en raison d’une histoire originale, d’un rapport spécifique aux lieux et de modes particuliers de gestion locale qui donnent une coloration propre au vécu et à l’imaginaire des cultures­sportives bordelaises. 16 Les nouvelles territorialités du sport dans la ville Les loisirs urbains sont devenus des organisateurs sociaux et­ spatiaux des sociétés contemporaines et, dans ce jeu, les cultures sportives ont pris une place prépondérante qui rythme la vie des citadins. Sans en exagérer la portée, force est de constater que les sports organisés, les pratiques autorégulées et le désir de nature, de bords de mer ou de montagne agissent comme des attracteurs d’organisation sociale et d’invention d’autres rapports à soi, aux autres et à l’espace. Ces cultures sportives participent à une dramaturgie moderne en valorisant ses épopées, ses héros et ses rites. Elles sont une réponse à la recherche de cérémonies fusionnelles compensant les divisions, les conflits et l’individuation croissante de nos sociétés. Un monde idéel de représentations se mêle au monde réel des lieux et de l’organisation économique, politique et idéologique du sport. Le terme sport, encore ignoré des dictionnaires de géographie, est polysémique et la diversification des pratiques à caractère sportif rend plus complexe encore l’appréhension de la réalité qu’il recouvre. L’usage du mot sport, au sens strict, est généralement réservé à des situations­ motrices organisées sur un mode de compétitions gérées par des institutions et se pratiquant dans des lieux codifiés (Parlebas, 1999). D’autres pratiques ludiques s’étant développées, hors des lieux spécifiques, en utilisant la gestuelle sportive, il convient de distinguer les sports de compétition et les sports de loisirs (Augustin, 2011). Les premiers s’organisent à partir des clubs alors que les seconds participent aux nouvelles cultures sportives, qui intéressent le vécu d’une population plus variée tout au long de la vie. Les uns et les autres sont en constant développement et s’approprient des espaces de plus en plus vastes. Le sport devient ainsi un élément majeur des sociétés contemporaines, il est directement concerné par l’espace et participe à son organisation et à sa mise en ordre puisque la maîtrise sportive passe par la réglementation des lieux. Étant à la fois un mode de loisirs, un ensemble de techniques, une organisation insti­ tutionnelle, un enjeu économique et un élément de stratégies politiques, il apparaît comme un concept protéiforme que les sciences sociales, la géographie et­ l’aménagement en particulier ne peuvent plus négliger (Pociello, 1999). Au-delà des évolutions sociétales (Huet et Saez, 2002), le contexte local fait que les Bordelais sont différents des Toulousains, des Lyonnais ou des Parisiens en raison d’une histoire particulière et de l’attachement à des lieux et à des institutions qui leur donnent une spécificité. Cette position ne signifie pas un parti pris culturaliste visant à considérer que les contextes résidentiels peuvent déterminer des pratiques particulières. La spécificité des cultures sportives bordelaises se joue dans un entre-deux reliant le local et le sociétal, dans un ensemble de combinaisons mêlant le particulier et le général, et ce sont ces effets d’enchaînement qui donnent à Bordeaux une coloration propre. Les nouvelles spatialités du sport dans la ville 17 Analyser les cultures sportives urbaines (Lefebvre, 2003) revient alors à prendre en compte un ensemble de pratiques où se mêlent les lieux, les institutions, le vécu, l’imaginaire et les représentations des Bordelais. Historiquement, c’est d’abord la dimension territoriale des sports de comp étition gérés par les clubs et les f...