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c h A p i t r e 2 les repères essentiels de lA philosophie morAle contemporAine Nous avons une conception de l’éthique qui, de manière très compréhensible, nous lie nous-mêmes et nos actions aux demandes, besoins, revendications, désirs et généralement aux vies des autres personnes, et il est utile de préserver cette conception à l’intérieur de ce que nous sommes prêts à appeler une considération éthique. Bernard WILLIAMS, L’éthique et les limites de la philosophie, 1990, p. 18. 38 Éthique de la communication appliquée aux relations publiques Toute éthique des pratiques professionnelles ne peut faire l’économie d’une réflexion sur la raison pratique ou le jugement, cette faculté vitale qui permet de discerner le vrai du faux et le juste de l’injuste. L’extrême fluidité des contextes actuels indique d’ailleurs assez la nécessité de ressaisir la question cruciale du jugement, cette forme de philosophie au quotidien (Grand’Maison, 1999). Comment en effet s’en passer à une époque où les principaux et anciens repères se sont érodés, au moment où il faut précisément revoir et redéfinir de nouvelles bases de vie commune? Le monde doit manifestement gagner en jugement et en lucidité ce qu’il a perdu en évidences de toutes sortes! La raison à n’en point douter est une noble faculté. Féconde en elle-même, elle produit des concepts au-delà de toute expérience possible . Nous pouvons distinguer en fait trois figures de la rationalité, trois pouvoirs de la raison si on s’en remet à Kant qui semble indépassable sur ces questions. 1. les trois figures de la rationalité La raison théorique ou scientifique est la première de ces figures de la rationalité. C’est elle qui structure notre relation cognitive et adéquate au réel, qu’il faut apprendre à connaître pour ce qu’il est et non pour ce que nous aimerions qu’il soit. La raison théorique se qualifie ainsi comme science des faits. Elle est animée par ce qu’il conviendrait d’appeler le souci épistémologique. Cette figure de la raison tout entière contenue dans les limites de l’expérience répond à l’une des grandes questions kantiennes: Que puis-je connaître? Une autre quête travaille cependant l’esprit humain sur ce qu’il est permis d’espérer. La science rivée par définition à une logique explicative des faits et des phénomènes naturels ne saurait répondre à cette question immense dont s’occupera la fameuse raison métaphysique. Cette figure de la raison déporte celle-ci au-delà du monde sensible – le suprasensible –, au-delà des limites de l’expérience. Elle spécule sans pouvoir jamais les démontrer (ne pouvant en faire l’expérience) sur l’existence de Dieu, sur l’immortalité de l’âme, sur l’idée de liberté. Elle s’occupe alors de la question: Que m’est-il permis d’espérer? La troisième figure de la rationalité est la raison pratique qui, si on se réfère encore à Kant, se saisit d’une autre question fondamentale: Que puis-je faire? La raison pratique, faculté intellectuelle particulière de la vie éthique, a son propre mode opératoire et assume des fonctions et des objets très différents de ceux de la raison théorique, laquelle [18.191.135.224] Project MUSE (2024-04-25 05:21 GMT) Chapitre 2 v Les repères essentiels de la philosophie morale contemporaine 39 s’exerce aussi bien dans la philosophie que dans les sciences. La raison dans son usage pratique ne prétend pas connaître ce qui est, mais tâche d’appréhender ce qui doit être. En matière de normativité, il convient d’établir les deux niveaux de l’être et du devoir être: «Il y a un problème moral, parce qu’il y a des choses qu’il faut faire ou qu’il vaut mieux faire que d’autres» (Ricœur, 1996, p. 690). Posant les lois de l’agir, elle est indissociable de la moralité. Il lui revient alors de fonder ou de jus­ tifier les principes d’action et les normes, de jauger la valeur des valeurs et la qualité des fins poursuivies. Les théories morales conséquentia­ listes (dont la théorie...

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