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La patrimonialisation: Une stratégie pertinente pour un bailleur social ?
- Presses de l'Université du Québec
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5 LA PATRIMonIALISATIon: une stratégie pertinente pour un bailleur social? Aurélie Hervouet Résumé Pris entre les signes multiples d’une critique de leur fonction de régulation républicaine que leur envoie l’État et la nécessité de la construction d’un dialogue performant avec les acteurs locaux autour de la définition et de la mise en œuvre des politiques de l’habitat, les bailleurs sociaux connaissent une crise de légitimité. Face à cette situation, Aquitanis, Office public de l’habitat de la Communauté urbaine de Bordeaux, choisit de s’engager dans la construction d’un référentiel patrimonial. L’hypothèse stratégique est la suivante : si son patrimoine en tant que bailleur social se définit en premier lieu par son caractère habité et géré, il n’en est pas moins pourvu de valeurs – d’usage, culturelles , architecturales, urbaines, territoriales, sociales et historiques – qu’il s’agit d’identifier, de formuler et de faire reconnaître collectivement. La construction du référentiel patrimonial devient un possible levier pour le renouvellement du projet et de la culture de l’entreprise, un nouvel outil pour concevoir le rôle social et urbain du logement social d’aujourd’hui et de demain et un vecteur de légitimité du bailleur social sur la scène publique locale. [44.223.94.103] Project MUSE (2024-03-29 13:07 GMT) La patrimonialisation 131 L es bailleurs sociaux, producteurs et gestionnaires de logements à loyer modéré, assument une mission d’intérêt général, qu’ils définissent comme celle d’«accueillir dans la mixité et la dignité tous ceux qui ont du mal à accéder au logement dans les conditions du marché1 ». À ce titre, ils bénéficient du concours de l’État et des collectivités locales (législatif , fiscal et financier principalement). Rappelons que se loger est un besoin fondamental, un droit reconnu par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 et «un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation», comme le stipule la Loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement. Les bailleurs sociaux participent ainsi de la fonction de régulation républicaine, le marché, suivant une logique libérale, ne parvenant pas à ce que chacun puisse bénéficier de ce droit au logement. En France, cet enjeu du logement accessible à tous relève d’une responsabilit é partagée. Le logement, y compris le logement social, est historiquement de la compétence de l’État. Bien qu’il tende à la déléguer, celui-ci assure la définition des grands équilibres, exerce le rôle de garant des solidarités et détient les principaux moyens d’intervention (la fiscalité, les «aides à la pierre2 » et la législation). Les collectivités territoriales et leurs groupements (les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI), outre les compétences d’urbanisme et les aides sociales intervenant dans la politique de l’habitat, ont à élaborer des stratégies locales en faveur du logement, notamment par le biais du Programme local de l’habitat (PLH), le Plan départemental de l’habitat (PDH) ou encore le Plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD). Les bailleurs sociaux interviennent ainsi dans le cadre de politiques à la fois nationales et locales, qu’ils doivent concilier avec leurs propres objectifs et avec les contraintes que leurs statuts de propriétaires et de gestionnaires immobiliers leur confèrent. Actuellement, la légitimité de ces opérateurs est déstabilisée. Les bailleurs sociaux ont à faire face à de multiples signes d’une critique de leur fonction de régulation sociale que leur envoie l’État. Les principaux d’entre eux sont la Loi instituant le droit au logement opposable (DALO) et la baisse du plafond de ressources qui poussent les bailleurs sociaux 1. Union sociale pour l’habitat, juillet 2008, Un projet pour le Mouvement HLM: Synthèse, , consulté le 15 septembre 2009. 2. Les «aides à la pierre» regroupent les aides à la construction, à l’acquisition, à la réhabilitation et à la démolition de logements locatifs sociaux ainsi que des aides destinées à la rénovation de l’habitat privé. 132 La patrimonialisation de l’urbain vers une spécialisation dans le logement des populations précaires, ainsi que la ponction budgétaire dont ils font l’objet depuis 2011. Parallèlement, par le biais du...