Pour une nouvelle mondialisation: Le défi d'innover

2. Externalisation de la gestion des ressources humaines et grippages professionnels : exemple d’une entreprise métallurgique française

2 EXTERNALISATION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET GRIPPAGES PROFESSIONNELS Exemple d’une entreprise métallurgique française Christian Papinot Pour répondre aux injonctions du capitalisme financier, la mondialisation des systèmes productifs (Plihon, 2006) repose sur différentes stratégies d’entreprises: des opérations de fusion-acquisition visant des gains de productivité et une baisse des coûts du travail par une réduction des effectifs salariés; des délocalisations par le biais de réseaux de filiales et de sous-traitants des entreprises transnationales vers des pays où la main-d’œuvre est bon marché et moins protégée; un recentrage sur les métiers de base de l’entreprise qui conduit à délaisser les activités dont la rentabilité est inférieure aux normes internationales (benchmarking) exigées par les investisseurs; mais aussi une externalisation de la production de certains produits ou services susceptibles d’être fabriqués d’une manière plus compétitive par des entreprises sous-traitantes. 32฀ Pour฀une฀nouvelle฀mondialisation฀•฀Le฀défi฀d’innover L’objectif de l’externalisation est de permettre à une entreprise «de se décharger de certaines tâches secondaires, pour pouvoir mieux se recentrer sur leur cœur de métier» (Élan Conseil Entreprise, 2012). Comme le préconisent un nombre grandissant de sociétés de conseil, on a pu observer en France le développement d’un mouvement d’externalisation de la gestion des ressources humaines, en particulier par un recours important à des agences de travail temporaire qui ne s’explique plus que par des soucis d’adaptation à la demande. Au-delà de réponses conjoncturelles à la fluctuation de la demande, le développement de l’emploi intérimaire répond donc de plus en plus à des facteurs structurels d’évolution de l’organisation du travail (Lefèvre, Michon et Viprey, 2002) et de redéfinition des frontières stratégiques de l’entreprise. La tendance générale à minimiser le coût du travail et à maximiser son efficacité productrice par des compressions d’effectifs et par l’externalisation des tâches vise à transférer une partie du risque économique vers des prestataires de service de l’entreprise et les salariés, eux-mêmes maintenus pour une part croissante aux lisières de l’entreprise (Papinot, 2009). Après une présentation des motifs du développement de ce type d’externalisation, ce chapitre portera sur les effets de cette politique manag ériale sur les dynamiques professionnelles à partir de l’étude de cas d’une entreprise métallurgique qui présente une proportion très importante et constante d’effectifs intérimaires à la production. Quelles coopérations productives y a-t-il entre des ouvriers aux statuts d’emploi distincts? Quels modes de segmentations, mais aussi de recomposition des professions ouvrières, prennent forme aujourd’hui dans ces nouvelles configurations organisationnelles? L’analyse des tensions et dysfonctionnements entre ouvriers intérimaires et permanents autour de la «formation sur le tas» des nouveaux employés permettra en particulier d’exercer un effet de loupe sur les collusions des logiques organisationnelles et professionnelles. 1. Une gestion flexible des ressources humaines Métalec est une entreprise métallurgique multinationale de montage et d’assemblage de pièces fabriquées par des sous-traitants. La production est dispersée en plusieurs sites dans la ville, en fonction de la taille des objets manufacturés. L’organisation du travail fonctionne en «juste-à-temps» avec alternance d’équipes en deux quarts de travail de huit heures1 . «De plus en plus subordonnée à la gestion financière» (Coutrot, 1999, p. 52), la 1. Depuis peu,sur un des sites seulement,s’ajoute une équipe de nuit de volontaires affectée à la production des petites unités. Externalisation฀de฀la฀gestion฀des฀ressources฀humaines฀et฀grippages฀professionnels฀ 33 gestion des ressources humaines est donc ici aussi en partie externalisée. L’entreprise fonctionne depuis des années avec une proportion importante d’intérimaires: de 30 à 50% de l’effectif total de production2 . Les intérimaires y sont majoritairement affectés sur le site des productions standards les plus rapides à monter (30 minutes pour en assembler une), où la production est à la chaîne (plusieurs centaines par jour). Ils y côtoient peu d’ouvriers permanents. À l’inverse, sur le site où les produits sont les plus volumineux et complexes à monter (quelques unités par...