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Il est désormais courant de dénoncer l’approche qui domine l’étude des relations internationales et de la politique étrangère – le réalisme –, entre autres pour son incapacité à incorporer les facteurs idéels (culturels et identitaires) dans son cadre théorique. Cette tendance contribue à exagérer l’homogénéité du réalisme, de même qu’à répandre la fausse impression que le constructivisme, qui met l’accent sur de tels facteurs, constitue une façon radicalement différente d’aborder l’analyse de la politique étrangère. Ce chapitre tente, dans un premier temps, de rectifier et de nuancer cette exagération. Il s’agit plus précisément d’examiner quelques propositions réalistes à propos du rôle des facteurs idéels en politique étrangère (PE) afin de faire ressortir l’importance accordée, plus ou moins explicitement , à la culture et à l’identité. Mais à l’instar de la PEC, si une telle importance estadmiseenPEparcertainsréalistes,lesoutilsconceptuelsetméthodologiques développés pour l’analyser demeurent limités et souvent incohérents. Ces faiblesses sont suffisamment significatives pour nous amener à préférer le constructivisme afin de développer, dans un second temps, un cadre analytique permettant l’étude rigoureuse de la culture stratégique et, conséquemment, de l’importance de la France dans la politique de sécurité internationale du Canada. En mettant l’identité au cœur de son approche théorique , le constructivisme permet effectivement de mieux cerner la manière dont une telle variable peut influencer l’élaboration et la conduite de la politique étrangère et, donc, permettre d’évaluer si, et comment, la France peut bénéficier d’un statut privilégié pour le Canada sur la base d’identités biculturelle et atlantiste. Qu’il s’agisse de prestige, de statut ou de reconnaissance internationalecommeobjectifsd’unÉtat,del’importanceducaractèrenational, de l’opinion publique ou de la perception des menaces, le réalisme s’avère incapable de réconcilier l’ontologie intersubjective et relationnelle que supposent ces facteurs explicatifs avec son désir de formuler une théorie transhistorique fondée, pour l’essentiel, sur une lecture matérialiste de la politique étrangère. Outre son ouverture aux facteurs idéels, ce chapitre vise à mettre en exergue les propositions de rechange qu’offre le réalisme à l’égard de la politique étrang ère canadienne et, plus précisément, de l’importance potentielle de la France pour celle-ci. Cela permet ensuite de montrer pourquoi le constructivisme, a contrario du réalisme, représente une meilleure approche théorique pour nous aider à comprendre le monde «tel qu’il est» plutôt que tel que nous aimerions Chapitre 2. UN CADRE D’ANALYSE CONSTRUCTIVISTE DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE 56 qu’il soit1 . En ce sens, nous tentons de réagir à une double carence du réalisme en PE et en PEC: d’une part, rendre compte, en PE, de la portée de l’identité comme variable explicative et, d’autre part, expliquer le caractère «particulier » de la France en PEC, sur le double plan du recours à la force militaire et de la création d’alliances, en fonction de paramètres identitaires. LE STRUCTURO-RÉALISME Il existe de multiples typologies catégorisant les différents courants à l’intérieur de ce que certains appellent le «paradigme» réaliste (Battistella, 2006, p. 113154 ; Walt, 1998). Ce qui semble faire consensus est la distinction effectuée entre le néoréalisme et le réalisme classique, bien qu’il y ait débat à propos de ce qui distingue exactement ces deux courants et quels auteurs y appartiennent respectivement. Pour notre propos, il convient de distinguer ces courants selon leur propension à développer des théories de la politique internationale ou de la politique étrangère et à aborder ou négliger les concepts de culture et d’identité. Cette catégorisation semble pertinente dans la mesure ou la grande majorité de ceux qui sont habituellement désignés par le vocable de néoréalistes tentent de raffiner ou d’adapter (quitteà la contredire) la théoriestructuro-réalisteproposée par Kenneth Waltz qui, comme son nom l’indique, porte presque uniquement sur lesystèmeinternational,laissantdecôtélesthéoriesdesecondeimage(lanature des unités, c’est-à-dire les États) et de première image (l’individu). Pour Waltz d’ailleurs, en s’attardant à ces trois niveaux d’analyse afin d’expliquer le comportement des États sur...

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