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Chapitre 5. L’ÉTABLISSEMENT DE L’ATLANTISME BICULTUREL L’échec de l’atlantisme biculturel au cours de la Première Guerre mondiale a notamment pour conséquence une distanciation de plus en plus marquée entre les deux autres conceptualisations des intérêts nationaux du Canada en matière de sécurité internationale. L’atlantisme biculturel – l’identité collective caractérisée par une identification positive du Canada à l’égard d’une francosphère et d’une anglosphère – se trouve donc marginalisée d’abord par l’attraction grandissante du canadienisme et de la politique isolationniste qui en résulte et, ensuite, par la force toujours dominante de l’identité canadobritannique et de la politique impérialiste qui en découle. La métaphore du triangle nord-atlantique semble donc tout indiquée pour cerner les perspectives culturo-stratégiques canadiennes au lendemain de la Première Guerre mondiale. L’isolationnisme québécois s’inspire de la politique de neutralité des États-Unis et de l’héritage canadien-français en matière de guerre et de paix, l’impérialisme canado-britannique explique la décision canadienne de déclarer la guerre à l’Allemagne le 10 septembre 1939, alors que les intérêts français se trouvent largement ignorés, sinon répudiés par le Canada, au point où il est possible de se demander si la République française est effectivement l’alliée du Canada. Pourtant, c’est précisément au cours de la Seconde Guerre mondiale que s’actualise et s’institutionnalise l’atlantisme biculturel évoqué par Laurier et Bourassa quelques décennies plus tôt. Cela s’explique par le fait que les conditions nécessaires à l’établissement d’une culture stratégique atlantiste et biculturelle sont réunies, pour la première fois, au cours de cette même période. Ces conditions sont les suivantes: une alliance franco-britannique (à laquelle se joindront les États-Unis); l’octroi du statut d’État souverain au Canada; une conceptualisation biculturelle du Canada par ses élites gouvernantes , sur le plan interne (deux cultures nationales égales en droits et en devoirs) et externe (solidarité atlantiste); enfin, une proximité idéologique franco-québécoise, cette dernière étant atteinte à la suite d’un traumatisme sans précédent dans l’univers francosphérique: la capitulation française au printemps 1940. Dès lors, la France retrouve une importance de premier ordre dans les considérations stratégiques canadiennes, au point même de prédominer sur les relations anglo-américaines en quelques occasions. L’atlantisme biculturel s’institutionnalise ensuite dans la pensée stratégique 172 canadienne au cours de l’après-guerre, par une convergence de vues francocanadiennes au moment de la création de deux piliers du nouvel ordre mondial: l’ONU et l’OTAN. Ce chapitre relate donc la transition par laquelle la France passe du statut d’alliée oubliée à celui d’alliée indispensable du Canada, d’une après-guerre à l’autre. VERS UN ÉTAT CANADIEN INDÉPENDANT: LA FRANCE, L’ALLIÉE OUBLIÉE Trois grands objectifs transcendent les politiques internationales des gouvernements canadiens au cours de l’entre-deux-guerres. Il s’agit d’accroître le statut du Canada sur la scène internationale, de limiter l’enchevêtrement du pays dans des alliances militaires officielles (l’alliance informelle canadobritannique est tenue pour acquise), ainsi que de favoriser un rapprochement anglo-américain afin d’éviter un cauchemar : que le Canada soit précipité dans un conflit opposant le Royaume-Uni aux États-Unis, advenant une guerre nippo-américaine. Ces trois buts sont au cœur de la relative indifférence manifest ée à l’égard de la France durant cette période, indifférence qui contrastera considérablement avec le rapprochement qui s’opérera au cours de la Seconde Guerre mondiale, et après, sur la base des conditions explicitées plus haut. Dans une logique nationaliste, le premier ministre Borden tente ainsi d’affirmer le statut de personnalité distincte (ou d’individualité collective) du Canada vis-à-vis de ses alliés euro-atlantiques lors de la Conférence de la paix de 1919. Mais dès novembre 1918, des réticences sont exprimées par les Alliés. Alors qu’elles consentent à une représentation de tous les pays alliés lors des pourparlers de paix, la France, l’Italie et la Grande-Bretagne s...

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