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Chapitre 6. L’éthique et les valeurs
- Presses de l'Université du Québec
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Chapitre 6 L’éthique et les valeurs Après avoir défini l’éthique, étudié la théorie des stades du raisonnement éthique de Kohlberg et examiné les trois grandes familles de théories éthiques contemporaines, le temps est venu de préciser en quoi consiste une valeur. Cette caractérisation facilitera la réflexion éthique de l’ergoth érapeute en lui permettant de reconnaître et d’analyser avec plus d’aisance les conflits de valeurs au cœur de plusieurs réflexions éthiques, ainsi que de repérer ses valeurs et celles qui devraient orienter sa pratique professionnelle. Le premier chapitre de ce livre a montré que l’éthique s’avère normative et axiologique, c’est-à-dire qu’elle prescrit des normes et des valeurs visant à baliser les interactions humaines (tout comme la morale, le droit et la déontologie professionnelle se révèlent des sources de normativit é). Les normes éthiques prennent habituellement la forme de principes éthiques recommandés, de valeurs ou de vertus préconisées. Contrairement aux normes légales et déontologiques, elles ne consistent pas en des règles auxquelles se trouvent attachées des sanctions socialement organisées (voir le tableau 1.4). Les normes éthiques correspondent plutôt à des recommandations justifiées par des arguments, en des De l’éthique à l’ergothérapie 182 valeurs ou des vertus qui caractérisent le bien-agir. Par exemple, un utilitariste pourrait affirmer que l’action de chacun devrait contribuer au plus grand bonheur possible du plus grand nombre de personnes ou qu’elle devrait, à tout le moins, éviter d’infliger des souffrances inutiles aux êtres humains (car l’utilité est une valeur importante) ; un déontologue pourrait affirmer que les politiques sociales devraient assurer l’égalit é des chances et des opportunités à tous et à chacun en fonction de leurs capacités (car la dignité est une valeur incontournable); un éthicien des vertus pourrait recommander l’enseignement de l’éthique aux enfants afin de favoriser le développement de leurs qualités d’être ou de leurs excellences de caractère (car les vertus sont des valeurs nécessaires à l’agir éthique). En bref, les normes sociales pointent en direction d’un devoir- être et elles se présentent soit comme des obligations (normes légales ou déontologiques), soit comme des recommandations (normes morales, culturelles ou éthiques). Lorsqu’elles prennent la forme d’obligations, ces normes sont liées à des sanctions socialement organisées (ordre de la punition). Lorsqu’elles consistent en des recommandations, elles peuvent être associées à des désapprobations sociales si un individu ne conforme pas son action à la recommandation (ordre du blâme). Mais sur quoi exactement les normes reposent-elles ? Une réponse simple et plausible consiste à affirmer que les normes se fondent sur des valeurs (Breton, 2001, p. 69) ou que « les normes dépendent des valeurs» (Tappolet, 2000, p. 17). Ainsi, tandis que les normes prescrivent ou proscrivent des attitudes et des comportements spécifiques, qu’elles consistent en des moyens permettant d’atteindre des fins, les valeurs correspondent plutôt à ces fins générales et abstraites qui sont souhaitées, désirables ou estimées (Legault, 2008, p. 73). Autrement dit, les normes balisent les modes d’être ou les actions des personnes, tandis que les valeurs se présentent comme des idéaux de nature éthique (ou esthé tique1 ) qui se cachent, se tapissent derrière les normes et leur donnent leur orientation. Par exemple, les ergothérapeutes valorisent en général l’approche centrée sur le client, car ils considèrent notamment que cette approche assure le respect des personnes et préserve, ce faisant, leur dignité. Une norme institutionnelle pourrait donc être la suivante : « Il importe d’utiliser l’approche centrée sur le client. » Cette norme se fonderait sur le respect (des personnes) et la dignité (humaine), le respect et la dignité correspondant aux valeurs qui la soutiennent. 1. Il existe des valeurs qui ne sont pas nécessairement de nature éthique. Les valeurs esthétiques en sont un exemple. Les valeurs esthétiques sont liées à la formulation de jugements de goût, tandis que les valeurs éthiques se trouvent plutôt liées à l’énonciation de jugements de valeur qui sont des jugements éthiques ou moraux. Pour des raisons de simplification du propos, les valeurs esthétiques sont ici mises de côté. [34.204.3.195] Project MUSE (2024-03-28 09:21...