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Chapitre 5 La théorie éthique des vertus Les deux chapitres précédents ont traité respectivement de l’éthique utilitariste (chapitre 3) et de l’éthique déontologique (chapitre 4), deux théories qui occupent une place prédominante dans les débats éthiques contemporains. Cela dit, une troisième éthique mérite que l’on s’y attarde : il s’agit de la famille des théories éthiques des vertus. Le présent chapitre est consacré à ce troisième ensemble de théories éthiques. Les visions de quatre philosophes y sont brièvement esquissées, soit celles d’Aristote, de MacIntyre, de Taylor et de Gilligan. Mais, avant tout, il importe de mieux comprendre ce qu’est une vertu. S’il est possible d’affirmer que « c’est au xixe siècle que l’utilitarisme rencontra le plus de succès » (MacIntyre, 2006, p. 66) et que c’est au xxe siècle que le déontologisme a acquis ses lettres de noblesse (grâce en particulier à Rawls), le siècle actuel apparaît marqué par la réémergence d’une approche ancienne de l’éthique, à savoir l’éthique des vertus. L’idée que la justice entretient un lien somme toute important avec l’éthique ne date pas d’hier. Elle remonte notamment au philosophe grec Aristote qui, dès le ive siècle avant notre ère, dans l’Éthique à ­ Nicomaque, estime que la justice est « la plus parfaite des vertus » (1959, p. 219), De l’éthique à l’ergothérapie 150 c’est-à-dire la vertu éthique « complète au plus haut point » (Aristote, 1959, p. 219). De manière semblable, Platon (1993) distingue dans la­ République les quatre vertus cardinales que sont la sagesse, le courage, la tempérance et la justice qui s’avèrent, estime-t-il, constitutives de la perfection éthique. Si les philosophes contemporains conçoivent généralement la justice comme une valeur, les philosophes anciens, tels que Platon et Aristote, la considèrent plutôt comme une vertu. Mais qu’est-ce qu’une vertu ? Une vertu peut se concevoir comme une disposition de caractère qui permet de faire le bien, c’est- à‑dire d’agir de manière éthique. La vertu se présente dès lors comme une disposition éthique à accomplir le bien. Tandis que Provencher (2008, p.117) indique qu’une vertu correspond à un trait de caractère approprié, Métayer (2002, p. 11) souligne, pour sa part, qu’une vertu consiste en un trait de personnalité ou de caractère moral, voire en une disposition éthique. Une manière fréquente de définir les vertus consiste à affirmer qu’elles correspondent à des « excellences humaines, [c’est-à-dire à des] qualités de caractère admirables ou louables » (Dent, 2004, p. 2011) qui permettent l’agir éthique. Aristote utilise d’ailleurs le mot grec aretê1 qui signifie « excellence » pour désigner les vertus (Aristote, 1959, p. 43-45), en précisant que les vertus sont des excellences de caractère qui s’ac­ quièrent par l’enseignement, l’expérience et l’habitude (Aristote, 1959, p. 86-90), donc qui correspondent à des dispositions éthiques acquises volontairement (Aristote, 1993, p. 61). C’est pourquoi Williams indique que « les vertus sont des dispositions du caractère [désirables ou esti­ mables] qu’on acquiert par un entraînement et qu’on met en œuvre non seulement dans l’action, mais aussi à travers des schémas de réaction affective » (Williams, 2004, p. 2020). De nos jours, il est généralement admis que la patience, l’honnêtet é, la générosité, le courage, l’intégrité, l’authenticité, la loyauté, la tolérance , l’humilité, la transparence, l’humanité, la bonté, la tempérance, l’équanimité, la sagesse, la compassion, le respect, la droiture, la prudence, l’indulgence, la véracité, l’équité, la bienveillance, la modération, l’amabilit é, la justice, etc., correspondent à des vertus, c’est-à-dire à des qualités estimées ou admirables du caractère d’une personne. Dans le Petit traité des grandes vertus, le philosophe français André Comte-Sponville étudie dixhuit vertus, soit la politesse, la fidélité, la prudence, la tempérance, le courage , la justice, la générosité, la compassion, la miséricorde, la gratitude, l’humilité, la simplicité, la tolérance, la pureté, la douceur, la bonne foi, l’humour et l’amour (Comte-Sponville, 1995, p. 15-385), qui se présentent 1...

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