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Chapitre 3 La théorie éthique utilitariste Le chapitre précédent a été consacré à la théorie du psychologue cognitiviste Kohlberg relative au développement du raisonnement éthique chez l’être humain. Il s’agit maintenant de présenter une première théorie éthique qui correspond au niveau postconventionnel de Kohlberg. Le présent chapitre porte entièrement sur l’éthique utilitariste, tandis que les deux prochains traiteront respectivement de l’éthique déontologique (chapitre 4) et de l’éthique des vertus (chapitre 5). Les étapes de la réflexion éthique seront présentées au chapitre 7 après une clarification de la notion de valeur (chapitre 6). La réflexion éthique se trouve enrichie par l’application des valeurs, des concepts, des principes, des arguments et des méthodes des différentes théories éthiques examinées dans cet ouvrage. Les trois chapitres consacrés aux trois principales théories­ éthiques contemporaines proposent notamment une série de raison­ nements et un vocabulaire éthique pouvant appuyer la justification des décisions des ergothérapeutes. En ce sens, ils procurent un cadre théo­ rique balisant la réflexion éthique. La théorie éthique utilitariste a été formalisée, au xviiie siècle, par le philosophe anglais Jeremy Bentham (1748-1832). Elle a ensuite été revue, au siècle suivant, par le disciple de Bentham, John Stuart Mill De l’éthique à l’ergothérapie 78 (1806-1873). Bentham et Mill sont aujourd’hui considérés comme les fondateurs de la théorie éthique utilitariste. Depuis, nombreux sont les penseurs qui se réclament de cette éthique. Au xixe siècle, les philo­ sophes John Austin (1790-1859) et Henry Sidgwick (1838-1900) défendent et enrichissent la pensée utilitariste. Maints philosophes des xxe et xxie­siècles s’affirment partisans de l’utilitarisme et continuent de peaufiner cette théorie éthique (Brandt, 1959 ; Glover, 1990 ; ­ Griffin, 1986 ; Hare, 1984 ; Harris, 2001 ; Harsanyi, 1985 ; Hart, 1982 ; Haslett, 1987 ; Lyons, 1999 ; Moore, 1962 ; Rachels, 1997 ; Singer, 1997 ; Smart, 1997 ; etc.). C’est dire que l’éthique utilitariste est toujours d’actua­ lité (Sénéchal, 2009, p. 43) et que son importance pour les philosophes-éthiciens contemporains est indéniable (Smart, 1997 ; Smart et Williams, 1997). Bien qu’il existe plusieurs versions de cette théorie éthique, notamment l’utilitarisme de l’acte, l’utilitarisme de la règle et l’utilitarisme des préférences, toutes les théories éthiques utilitaristes sont conséquentialistes, c’est-à-dire qu’elles estiment que la valeur éthique d’une action réside dans les conséquences que celle-ci engendre sur les personnes concernées par cette action (Kymlicka, 2003, p. 18; ­ Provencher, 2008, p. 10). De fait, l’utilitarisme est un conséquentialisme1 . Il s’ensuit que ce ne sont ni les intentions des personnes, ni les vertus ou les qualit és intrinsèques des individus, ni les actes en eux-mêmes, ni leur conformit é aux devoirs qui importent au final, mais bien les conséquences que des actions (des règles ou des préférences) entraînent sur le bonheur ou le bien-être d’êtres humains (voire d’êtres sensibles2 ). En bref, ce qui possède une valeur éthique correspond à ce qui est utile, c’est-à-dire à ce qui contribue au bonheur ou au bien-être des personnes touchées par une action. L’utilitarisme est donc une théorie téléologique (qui vient du mot grec telos qui signifie « but »), en ceci que ce sont en dernière instance les résultats des actions sur le bien-être de personnes qui importent. Comme l’indique Singer, ce qui distingue les utilitaristes des autres éthiciens réside dans le fait qu’ils s’intéressent non pas aux devoirs éthiques, mais aux fins : « Ils évaluent les actions en fonction de la manière dont elles favorisent leur réalisation» (1997, p. 15). Ainsi, pour un utilitariste, aucun acte ne s’avère bon ni mauvais en lui-même, puisque tout acte est jugé à l’aune des conséquences qu’il engendre sur le bonheur ou le bien-être des personnes touchées par cette action. Par exemple, une action (comme mentir) peut être considérée comme bonne dans un contexte, alors qu’elle 1. Il existe, cela dit, d’autres théories éthiques conséquentialistes, mais l’éthique utilitariste est la principale représentante de la famille des théories éthiques...

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