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Chapitre 2 La théorie de Kohlberg Le chapitre précédent a caractérisé l’éthique selon différents angles (objet, nature, méthode, but et œuvres). Aussi, il a distingué l’éthique de la morale, du droit ainsi que de la déontologie professionnelle. Cette caractérisation a montré que l’éthique ne se réduit pas au respect des normes sociales qui structurent la vie des individus et des groupes. Le présent chapitre, entièrement consacré à la réflexion du psychologue cognitiviste Kohlberg, reprend ce point de vue. L’objectif de ce second chapitre est de présenter les résultats des recherches qui ont été conduites par Kohlberg et qui appuient cette com­ préhension de l’éthique. Comme indiqué dans l’introduction de ce livre, les­ stades de développement du raisonnement éthique de Kohlberg sont vus comme un cadre conceptuel qui permet de classer à haut niveau d’éthicité les trois familles de théories éthiques examinées dans ce livre (chapitres 3, 4 et 5) et de disposer de critères afin d’évaluer la valeur des arguments développés par l’ergothérapeute dans le cadre de sa réflexion éthique (chapitre 7)1 . 1. Il est en effet souhaité que l’ergothérapeute soit en mesure de développer des arguments des stades 5 et 6 de Kohlberg pour justifier ses décisions et ses actions, plutôt que des arguments des stades inférieurs, puisque les stades 5 et 6 correspondent à l’autonomie éthique, alors que les stades 1 à 4 se rapportent à l’hétéronomie éthique. De l’éthique à l’ergothérapie 44 La psychologie, en tant que science du comportement humain, s’intéresse depuis une période relativement récente au développement de la moralité – ou plutôt de l’éthicité2 – chez l’être humain. C’est au xxe­siècle que certains psychologues, notamment Dewey, Piaget et Kohlberg,­ montrent un intérêt pour le développement du raisonnement éthique chez l’être humain (Dewey, 1909 ; Kohlberg, 1984 ; Piaget, 1932). Ce domaine de la psychologie, qui se nomme la psychologie morale, étudie les jugements éthiques que formulent des individus ainsi que les conceptions qui les fondent (Moessinger, 1989, p. 7). Cette discipline scientifique entend décrire et classifier les raisonnements que formulent les ­ personnes confrontées à des dilemmes éthiques hypothétiques. Si l’éthique cherche à comprendre les valeurs que sont le bien, le juste ou le vertueux ainsi qu’à élaborer une théorie normative relative au bien, au juste ou au vertueux , «la psychologie morale se veut davantage descriptive et ­ explicative et ses analyses reposent sur des observations, des recherches sur le terrain » (Tostain, 1999, p. 8), lesquelles interprètent et classifient les jugements éthiques de personnes. En bref, tandis que l’éthique est une discipline normative, la psychologie morale consiste plutôt en une discipline scientifique qui se veut descriptive et explicative, quoiqu’une certaine normativité (normes) et une certaine axiologie (valeurs) influencent ses descriptions et ses explications3 . Ce chapitre introduit l’une des théories dominantes de la psychologie morale contemporaine, soit la théorie des stades du développement du raisonnement éthique du psychologue cognitiviste Lawrence Kohlberg (1927-1987). Bien que depuis quelques années cette théorie suscite des critiques4 (Brown et Gilligan, 1992 ; Gilligan, 1986 ; Gilligan, Ward, Taylor et Bardige, 1988; Modgil et Modgil, 1986), nous proposons ici un usage heuristique de ce cadre théorique. Rappelons que la théorie 2. Bien que les psychologues tels que Kohlberg parlent du développement de la moralité ou du raisonnement moral, leur compréhension de la notion de morale s’apparente à la caractérisation qui est faite dans ce livre de l’éthique. C’est pourquoi l’auteure parle ici d’« éthicité » plutôt que de moralité et de « raisonnement éthique » plutôt que de raisonnement moral. Voir le chapitre 1 pour les distinctions établies entre les notions d’éthique et de morale. 3. Sur ce point, Kohlberg affirme que son choix d’une méthode herméneutique de type phénom énologique implique que les interprétations qu’il propose des raisonnements éthiques de ses participants ne sont pas neutres sur le plan axiologique, du fait que ses interprétations sont normatives. Comme il l’indique: «Habermas points to a difficulty in accepting social science as interpretative but still a science. This difficulty stems from the fact that interpretative is not valueneutral but is, rather, normative. […] Thus, our...

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