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D’une université nouvelle à l’autre La TÉLUQ et l’université bimodale 14 Patrick Guillemet S’intéresser aux universités nouvelles implique notamment de saisir les circonstances de leur apparition, les facteurs de leur développement et la façon dont elles réagissent aux difficultés qu’elles rencontrent1 . Bien que, selon la formule consacrée, «rien n’institutionnalise mieux que la durée», le succès d’une université nouvelle, comme de toute organisation , dépend d’un ensemble de facteurs qui exercent une influence tantôt positive, tantôt négative, ou simultanément favorable et défavorable à certains égards . Afin d’examiner ces facteurs, nous présentons l’exemple d’une université récemment créée, la TÉLUQ (Télé-université de l’Université du Québec), dont l’histoire débouche sur un autre projet d’université nouvelle, l’université bimodale2 . Nous décrivons cette histoire selon trois périodes: 1) la naissance de la TÉLUQ, depuis le projet fondateur jusqu’à la création officielle de la nouvelle université; 2) l’histoire récente de la TÉLUQ, marquée par le rattachement à l’Université du Québec à Montréal et l’émergence d’un projet d’université bimodale; ainsi que 3) l’évolution de ce projet durant les dernières années3 . Nous examinons ensuite les facteurs permettant d’analyser ces deux trajectoires. 1. Je remercie vivement mes collègues de la TÉLUQ Jean-Marc Perreault et Daniel Lemire pour leurs précieux commentaires . 2. Pour une présentation de l’histoire de la Télé-université, voir Patrick Guillemet, Former à distance. La Télé-université et l’accès à l’enseignement supérieur 1972-2006, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2007 . 3 . Pour une description détaillée du projet, voir le site Vers l’UQAM bimodale . 260 Chapitre 14 Histoire de la TÉLUQ et de l’université bimodale L’université à distance (1972-1992) Nous sommes à l’automne 1967. Alors que la démocratisation de l’enseignement postprimaire au Québec a engendré une forte demande de formation universitaire accompagnée par une vague de revendications prônant la transformation radicale de l’université, le premier ministre Daniel Johnson, frappé par le déploiement de l’Université de la Californie , envisage la création d’une université en réseau dont les premiers cours pourraient être offerts, grâce à l’audiovisuel, à partir de Montréal et de Québec. Le projet de loi 88, la Loi sur l’Université du Québec, est voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en décembre 1968. La jeune université s’emploie dès lors avec intensité à décentraliser l’enseignement supérieur . Le 17 mai 1971, l’Université du Québec manifeste son intention de créer une télé-constituante: en effet, elle doute alors de sa capacité à atteindre ses objectifs d’accessibilité, mais cherche aussi à asseoir le rôle de coordination du siège social, quelque peu mis à mal par le foisonnement des initiatives4 . Un projet collectif de grande envergure, tel qu’une télé-université5 , apparaît comme un moyen particulièrement judicieux de mettre en place cette université en réseau . Au sein du groupe de travail, le consensus se fait pour s’éloigner du cadre universitaire classique. Cependant, des perspectives diverses l’animent , notamment en ce qui concerne la rationalisation du développement de l’Université du Québec, l’expérimentation des nouvelles technologies éducatives, ainsi que l’ouverture aux adultes, aux travailleurs, aussi bien qu’aux catégories sociales défavorisées. Le projet, lancé un an plus tard, a pour objectif le développement et l’expérimentation de la formation à distance, afin de répondre aux besoins des clientèles que les services universitaires existants ne rejoignent pas ou rejoignent difficilement6 . Il vise à accroître les activités d’enseignement et d’apprentissage et il mise 4 . Lucia Ferretti, L’université en réseau : les 25 ans de l’Université du Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 1994. 5. Dans son rapport de 1972, le groupe de travail sur la télé-université n’avait pas retenu l’appellation «Télé-université du Québec». C’est seulement en 1973 que la Télé-université gagnera sa majuscule. 6. Il s’agit des étudiants éloignés géographiquement des centres universitaires, de ceux pour qui la distance avec l...

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