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4 Acte S u r l e q u a i d e l a g a r e Acte 4, scène 1 Le windshield Dans un espace public. Deux personnes se promènent, elles ne se connaissent pas. Elles attendent; lisent le journal, regardent l’heure. On dirait un quai de gare, la nuit, il fait un peu froid; les personnes regardent au loin à gauche, comme si un train allait venir de ce côté-là. Entrent, de l’autre côté, Mario et Brigitte, ils déposent leurs bagages. Les deux autres les regardent brièvement, comme on regarderait d’autres voyageurs, de manière neutre, indifférente. Brigitte — [Tu disais?] Mario — [Attends que je me rappelle…] Brigitte — [C’était en hiver…] A u - d e l à d u p r é j u g é 94 Mario — [Ah oui, en hiver], on était à l’hiver, on était en février. Ah oui, là ça me revient… Ouh, puis c’est pas drôle. Puis là, j’étais sur le dernier mois, mais j’étais encore en contraintes. Brigitte — Temporaires? Mario — Temporaires. On m’appelle pour aller chercher mon chèque, on est le 28 février, il fait moins 35. […] À la fin du mois, plus d’argent! Et pas mangé assez. […] Je suis allé à pied, puis là je m’en allais, puis j’ai fait du pouce, espérant que…, puis qu’est-ce que je voyais à travers les windshields, je voyais des consciences qui baissaient les yeux. Parce que je regardais les yeux, quand je faisais du pouce. Pendant que Mario parle à Brigitte, les deux personnes leur tournent le dos, pas de manière trop évidente, l’un lit le journal, l’autre regarde au loin, ils restent immobiles. Brigitte — T’aurais pu prendre le bus… Mario — J’avais plus d’argent pour prendre le bus. Mais tout ça, c’est surréel, là, en quelque part tout ça c’est surréel. Puis, je pense que ce qui m’a permis de faire ça, c’est, à un moment donné, la révolte. […] c’était de la révolte qui m’a donné cette énergie-là, la révolte d’aller leur dire: (Se tourne vers l’agent d’aide sociale.) «Hey! J’arrive là.» Agent, se détache du fond de scène, passe devant Mario froidement — Vous signez ici. (Il part avec le papier.) Mario, lui criant après — Écoute là, […]… vous me forcez à m’y rendre sinon je suis fait, j’ai plus d’argent… Brigitte — Tout ce qu’ils veulent, c’est s’assurer que tu travailles pas… [ils] regardent si tu as de la peinture en dessous des ongles, si tu peux te présenter oui ou non, de quoi t’as l’air… t’sais, des indices, des indices d’une personne qui travaille, qui travaille pas. [18.119.130.218] Project MUSE (2024-04-26 01:49 GMT) A c t e 4 – S u r l e q u a i d e l a g a r e 95 Mario — (un court silence) (Mario regarde pour voir si le train arrive, il regarde sa montre.) [Eh, ça me rappelle, une autre fois j’arrive là-bas et on me dit:] Agent, revenant du fond de la scène, cette fois-ci il parle à travers un cadre, toujours froidement — [Mais] qu’est-ce que tu fais ici? Tu as besoin de soins, de suivi psychologique, t’es pas au bon endroit. Mario — Ouais, mais c’est parce que c’est le CLSC qui m’a envoyé ici. Agent — Bien dis-leur de refaire leurs devoirs. (Retourne à sa place.) Mario — Là, tu vas au CLSC, puis là, tu es la balle de ping-pong, puis là, ils savent plus, ils t’envoient chez le généraliste. Le généraliste te donne des pilules, puis là à un moment [donné, je suis retourné à l’aide sociale, puis] il dit: Agent — Bon, t’as pas envoyé ton papier. Mario — Mais «es-tu encore malade?» ils te le demandent pas. T’es tout seul. Donc regarde, c’est un labyrinthe, un labyrinthe qui a pas d’allure. Brigitte — [Moi, c’est ma maladie qu’ils ne reconnaissent pas.] Agent, au téléphone — [Madame Pinard? Il faut que vous vous présentiez] à nos bureaux le 1er février, [on va] mettre votre dossier à jour. [N’oubliez pas vos] carnets bancaires et une copie de votre bail. Mario — Toujours le mois de f...

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