Terrorisme et insurrection: Évolution des dynamiques conflictuelles et réponses des États

Chapitre 9. Inde – La réponse de l’État à l’insurrection des extrémistes gauchistes

chapitre 9 InDE La réponse de l’État à l’insurrection des extrémistes gauchistes1 Bibhu Prasad Routray et Shanthie Mariet D’Souza 1. Traduit de l’anglais par Priscyll Anctil-Avoine et Cécile Pilarski. oRIgInE ET vIoLEncE Du SouLÈvEMEnT En Inde, les insurrections gauchistes (auxquelles nous ferons désormais référence sous les termes « naxalisme » ou «maoïsme») ont vu le jour dans les années 1960 dans l’État du West Bengal. Les paysans sans terre ont pris d’assaut les greniers à céréales appartenant aux propriétaires terriens, moissonné les cultures encore sur pied, brûlé les registres de dettes impayées, etc. Cela a conduit en 1969 à la formation du Parti communiste marxiste-léniniste de l’Inde (CPI-ML). Cette nouvelle organisation pensait que la révolution indienne se réaliserait en adoptant l’idéologie marxiste-léniniste et la pensée de Mao Zedong. Le Terrorisme et insurrection 212 mouvement est devenu extrêmement populaire, surtout au sein d’une jeunesse idéaliste, et s’est étendu à une part significative de l’Inde rurale et tribale, qui comprend des segments de la population les plus pauvres et les plus exploités. Avant même la fin des années 1970, plusieurs lignes de fracture traversaient le mouvement, frappé de nombreuses scissions. Il a fini par être supprimé par l’État indien. Cependant, le mouvement a été réactivé en quelques années, et depuis la fin des années 1990, il connaît une expansion rapide. Selon les estimations du gouvernement, en 2001, les maoïstes étaient présents dans 54 districts du pays. En 2009, le nombre de districts sous influence maoïste est passé à 2302 . Il n’est pas surprenant de voir que la progression des extrémistes gauchistes (connus comme naxalites ou maoïstes) en Inde a été décrite par le premier ministre indien Manmohan Singh comme le «plus gros défi à la sécurité intérieure» auquel le pays doit faire face. . LA foRcE Du MouvEMEnT EXTRéMISTE Le Parti communiste maoïste de l’Inde (CPI-maoïste) est considéré comme l’organisation maoïste la plus imposante et la plus puissante dans le pays. Le CPI-maoïste est le produit de la fusion, en septembre 2004, de deux organisations extrémistes de gauche, le Centre communiste maoïste de l’Inde (MCCI) et le Groupe de la guerre du peuple (People’s War Group – PWG). Cette organisation peut mobiliser, à l’échelle du pays, de 20000 à 22000 cadres militaires. De plus, elle peut faire appel à un grand nombre de travailleurs de terrain, appelés la Milice du peuple. Cette milice, évaluée à environ 100000 hommes, est utilisée par l’organisation principalement lors d’attaques impliquant de petites unités qui convergent simultanément vers une même cible. Mis à part le CPI-maoïste, d’autres organisations extrémistes de gauche de moindre importance opèrent dans des États comme l’Andhra Pradesh, le Bihar et le Jharkhand. 2. Depuis 2010, le nombre total de districts en Inde est de 630. Cependant, ces unités administratives sont périodiquement créées sur décision des gouvernements des États, qui divisent les quartiers et districts déjà existants en vue de renforcer l’efficacité administrative. Inde 213 Le CPI-maoïste s’est montré capable d’aller chercher du soutien dans les populations tribales marginalisées à l’intérieur de l’Inde. La population tribale indienne était d’environ 19,1 millions en 1951; elle s’élevait à 84,3 millions d’après le recensement. Elle est aujourd’hui estimée à approximativement 100 millions de personnes (soit 8,1% de la population)3 . L’absence totale de gouvernance civile dans les zones tribales du pays depuis l’indépendance de l’État indien a poussé les populations rurales à croire aux promesses faites par les extrémistes. De plus, les maoïstes ont tenté d’exploiter d’autres formes de clivages dans le pays. Par exemple, dans plusieurs régions, les questions concernant le déplacement des populations ou la confiscation des terres à la suite de la mise sur pied de projets industriels ou de développement ont été utilisées par les extrémistes pour forcer le soutien populaire. Les maoïstes, actuellement présents dans les campagnes et les zones forestières reculées du pays, poursuivent l...