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CHAPITRE 4 L’aLLocation universeLLe et L’impôt négatif De la théorie à la pratique samir amine, pedro Lages Dos santos et arnaud rioual 94 Transformations du monde du travail résumé Le concept d’allocation universelle, une idée qui daterait de l’Antiquité mais qui n’a jamais réussi à convaincre les décideurs politiques, fait aujourd’hui l’objet d’un enthousiasme important quoique loin d’être unanime. Nous nous appliquerons ici à présenter le concept de l’alloca­ tion universelle et tâcherons d’expliquer pourquoi et comment un tel concept peut compter des partisans au sein de mouvements de pensée radicalement différents. Nous montrerons en quoi un paramétrage minimal du dispositif d’impôt négatif peut intéresser des monétaristes ou, au contraire, comment le versement d’une allocation forte sans conditions de ressources financée par un impôt progressif peut satis­ faire des interventionnistes. Nous soulignerons également le problème d’ordre moral que soulève le principe de versement inconditionnel chez de nombreux intellectuels ainsi que dans l’opinion publique. [3.23.101.41] Project MUSE (2024-04-26 04:15 GMT) L’allocation universelle et l’impôt négatif 95 Tandis que le chômage persiste à des taux élevés un peu partout en Europe depuis la fin des trente glorieuses et semble également s’installer durablement en Amérique du Nord depuis le début de la crise financière en 2008 (et particulièrement aux États­Unis). Tandis que les États pro­ vidence européens s’enlisent, plombés par des niveaux de dettes trop importants, des déficits budgétaires largement supérieurs à ceux figurant dans le pacte de stabilité et des taux de croissance trop faibles (du moins au regard des 3 à 5% de croissance annuelle sous les trente glorieuses). Tandis que les États­Unis peinent à réformer leur système social et sanitaire. Tandis que les dispositifs sociaux et fiscaux s’empilent les uns sur les autres (depuis 1945), rendant la politique fiscale (et la politique de redistribution) des États proprement illisible et inefficiente, et tendant même dans certains cas à la rendre régressive (Landais, Piketty et Saez, 20111) à l’heure où pourtant les inégalités ne reculent plus et tendent même à augmenter de manière significative. Tandis, donc, que ces réa­ lités s’enracinent, les gouvernements des pays «développés» ne semblent pas en mesure de réagir, les partis politiques (tant à gauche qu’à droite) semblent perplexes, en panne d’idées de fond. Entretenu par les agences de notations et largement relayé par les médias, le spectre de la faillite des États hante tous les esprits et inhibe, à tort ou à raison, les responsables politiques. Le capitalisme occidental est sans doute entré dans la plus grave crise de son histoire; sur ce point, tout le monde semble d’accord, économistes libéraux comme keynésiens, philosophes, mais également l’opinion publique et, bien que personne ne puisse dire si le capitalisme financier en sortira indemne, renforcé, affaibli ou anéanti, il est urgent de réfléchir à la mise en place d’actions qui permettront de sortir le plus équitablement possible de cette crise internationale. Les gouvernements occidentaux se sont contentés, en 2008, de mesures d’urgence pour tenter d’amoindrir les effets de la crise financière sur la sphère économique (il fallait, entendait­on à l’époque, «éteindre le feu»). Ces mesures ont­elles été efficaces? Cela dépend du côté où l’on se place : elles ont certainement évité la faillite de nombreuses banques et l’effondrement complet des marchés financiers, mais elles 1. En considérant l’ensemble des prélèvements obligatoires en France, Landais, Piketty et Saez (2011, p. 10) «obtiennent les résultats suivants: le système fiscal actuel est faiblement progressif jusqu’au niveau des “classes moyennes”, puis devient franchement régressif au sein des 5% les plus riches (soit 2,5 millions de personnes sur 50,4 millions), et surtout à l’intérieur des 1% les plus riches (soit 0,5 million de personnes)». 96 Transformations du monde du travail ont également permis au système en place de se relever sans réelle remise en question et sans réelle réflexion politique sur une nécessaire évolution idéologique. Cependant, cette crise financière, économique et sociale que nous connaissons actuellement à l’échelle planétaire, a...

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