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C H A P I T R E 2 REGARDS CROISÉS SUR LES DYNAMIQUES MÉTROPOLITAINES AU BRÉSIL ET EN EUROPE JEAN-PAUL CARRIÈRE Professeur émérite, École polytechnique, Université de Tours, Tours, France EN EUROPE, PAR-DELÀ LES DIFFÉRENCES NATIONALES ET LES SPÉCIFICITÉS locales, le phénomène d’émergence de régions métropolitaines, « traduction urbaine de la globalisation» (Lacour et Puissant, 1999), pose partout des défis similaires en termes de redéfinition des périmètres d’action locale et appelle de nouvelles formes de gouvernance interterritoriale (Carrière, 2010). La métropolisation y englobe aujourd’hui des espaces multipolaires et de mobilité généralisée qui ne sont plus confinés dans les limites de la ville. C’est pourquoi l’expression«région métropolitaine» dans le contexte européen est le plus souvent définie en termes de conurbation et de grande région urbaine, sans pour autant qu’une définition réellement spécifique s’impose. Dans la langue allemande, le mot«Metropolregion» s’est imposé depuis 1995 en tant qu’expression d’un concept au départ analytique, alors qu’en français ce sont en général les termes « aire métropolitaine» ou «zone métropolitaine» qui sont le plus souvent employés (Blotevogel, 2005); en Angleterre, celui de «city-region» est aujourd’hui consacré (Farthing, 2010). Le Brésil, dont le poids dans l’économie globalisée devient de plus en plus important, est aussi confronté à des dynamiques métropolitaines marquées par l’essor de grandes régions urbaines fonctionnelles. Cependant, il ne peut échapper à l’observateur que des différences substantielles donnent aux grandes 32 Métropoles des Amériques en mutation villes brésiliennes des caractéristiques que l’on ne retrouve pas avec la même intensité en Europe, et qui tiennent à la fois à la macrocéphalie urbaine, dans la plupart des États brésiliens, à la dichotomie du système productif et du marché du travail, à l’informalité et à la précarité sociale ainsi qu’à des tensions sociales très fortes liées à des inégalités extrêmes, dont le niveau élevé de violence n’est qu’une expression exacerbée… Même si le modèle de la ville compacte, sans discontinuités et frontières internes, moins ségrégé, tend à être remis en cause en Europe même, la fragmentation de la ville brésilienne sous le double effet de la dissémination spatiale des quartiers d’habitat précaire et de la généralisation des copropriétés fermées pour les populations aisées n’est plus à démontrer. Autre différence notable, si les métropoles européennes sont de plus en plus insérées dans des réseaux mondiaux et spécialisées dans l’offre de services supérieurs et rares, la plupart des grandes villes brésiliennes connaissent un développement encore très marqué par le tertiaire traditionnel et n’exercent pas, pour beaucoup d’entre elles, d’influence au-delà des limites de l’État fédéré, dont elles sont souvent la capitale1. Les grandes villes brésiliennes, de plus en plus dépendantes de la globalisation, conservent sans doute plus que leurs homologues européennes un caractère de «villes locales» (Subirats et Brugué, 2006). La comparaison entre les dynamiques métropolitaines en Europe et au Brésil ne peut être menée en négligeant trois différences de contexte majeures, à savoir 1) que dans le premier cas nous sommes en présence d’une union d’États souverains, alors que dans le second il s’agit d’un État certes fédéral, mais unifié; 2) que, si l’espace géographique brésilien est supérieur en superficie à celui de l’Union européenne, sa population n’en représente que les deux cinquièmes malgré une dynamique démographique beaucoup plus rapide; et enfin 3) que, si la suprématie des villes-ports brésiliennes s’explique historiquement par les conséquences de la colonisation (Dias, 1995), les effets sur les villes de la recomposition de l’internationalisation de l’économie ont été beaucoup plus tardifs qu’en Europe, mais aussi plus spectaculaires, le Brésil ayant connu une urbanisation beaucoup plus rapide, atteignant un taux d’urbanisation de 84% en 2010 (36% en 1950) – plus de 40% de la population résidant dans les seules...

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