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C H A P I T R E 1 8 LUTTE DES BRÉSILIENNES POUR LE DROIT À LA VILLE L’expérience des femmes de la communauté d’occupation Manoel Congo à Rio de Janeiro MARIANNE CARLE-MARSAN Étudiante à la maîtrise, Département de géographie, Université du Québec à Montréal, Montréal, Canada CE TEXTE FAIT ÉTAT DES RÉSULTATS D’UNE RECHERCHE MENÉE AUPRÈS DE Brésiliennes qui luttent au sein du Mouvement national de lutte pour le logement (Movimento nacional da luta pela moradia: MNLM) et qui occupent collectivement un immeuble public désaffecté du centre-ville de Rio de Janeiro depuis 2007. Cette recherche1 permet d’évaluer la portée d’une telle expérience collective en matière de droit à la ville, de citoyenneté locale et d’empowerment chez des femmes marginalisées socialement, politiquement et économiquement. Elle illustre en quoi ces pratiques collectives leur ont permis de conquérir leur dignité et de s’approprier la ville en rendant possible une transformation des rapports de genre. Après avoir exposé le contexte et le cadre théorique dans lequel se situe 1. Cette recherche réalisée dans le cadre d’un mémoire de maîtrise en géographie a été rendue possible grâce à l’appui de nombreuses personnes. Sans pouvoir toutes les nommer ici, nous souhaitons tout de même remercier les femmes de la communauté d’occupation Manoel Congo. Nous remercions également Sonia Giaconimi, Helena Galiza, Rossana Brandão Tavares, Emerson Guerra, Ana Clara Veste, Bianca Arruda, Roqueval Jose Fonsêca et Gilmar Mascarenhas pour leur soutien et leur amitié lors de notre séjour à Rio de Janeiro. Sont aussi chaleureusement remerciés Nicolas Lozier pour la relecture de ce texte et Anne Latendresse, notre directrice, pour ses encouragements, son encadrement et ses conseils judicieux dans ce projet de mémoire. 294 Métropoles des Amériques en mutation notre problématique, nous exposerons la question de recherche et la démarche méthodologique pour ensuite proposer des analyses préliminaires de notre étude de cas, puis quelques considérations finales. 1. Pour une lecture de la ville en termes de genre En tant que femmes et féministes, plusieurs étudiantes en géographie intéress ées par les questions de justice urbaine sont toujours étonnées de voir que la contribution des femmes à la production de la ville est souvent négligée, voire absente des travaux actuels (Wekerle, 2004). À leurs yeux comme à ceux d’autres personnes, il est tout aussi surprenant de constater que la lecture que les uns et les autres font de la ville s’attarde rarement aux expériences et représentations sociospatiales différentes des hommes et des femmes (Moser, 2007; Hainard et Verschuur, 2004). Pourtant, du fait qu’ils ont des rôles sociaux sexués différents et donc des expériences différentes, les hommes et les femmes ne vivent et ne se représentent pas la ville de la même façon. En d’autres mots, une identité socialement construite sur la base des rapports sociaux de genre risque d’engendrer une appropriation spatiale différente (Coutras, 1996; Wekerle, 2000; Hainard et Verschuur, 2004; Latendresse, 2005). Dans ce sens, cette recherche s’intéresse aux rapports de genre2, en particulier aux expériences des femmes brésiliennes dans la ville. Parler des femmes brésiliennes comme d’une catégorie homogène serait réducteur, car, bien entendu, elles témoignent d’expériences différentes selon leur âge, leur origine, leur région et leur classe sociale. Il n’en demeure pas moins qu’au-delà de ces différences les inégalités reposant, par exemple, sur la division sexuelle du travail façonnent une oppression qui se manifeste dans des rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes (Verschuur et Hainard, 2004). Cette recherche part donc du constat que les identités de genre entretiennent des rapports inégaux à l’espace urbain (Massey, 1994; Coutras, 1996). Certes, aujourd’hui, à première vue, les femmes brésiliennes sont présentes partout dans la ville; elles ne sont plus confinées à la maison, elles travaillent et se déplacent dans la ville (Gouveia, 2005). Pourtant, il existerait toujours une «dimension cachée» sexuée de l’espace (Coutras, 1996) caractérisée par des inégalités sociospatiales liées au genre qui entraveraient une certaine justice dans la ville. Or, nous savons que...

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