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Chapitre 4 Le potentiel heuristique des récits de voyageurs en histoire: l’exemple de la représentation des Arabes au travers des récits de voyageurs francophones en Palestine (1799-1948) Valérie Géonet En 1806, alors qu’il parcourt l’Orient au grand galop, Chateaubriand dresse un portrait des Arabes de Palestine par contraste avec celui des Indiens du Canada qu’il a rencontrés quelques années plus tôt : Les Arabes […] m’ont paru d’une taille plutôt grande que petite. Leur démarche est fière. Ils sont bien faits et légers. Ils ont la tête ovale, le front haut et arqué, le nez aquilin, les yeux grands et coupés en amandes, le regard humide et singulièrement doux: rien n’annoncerait chez eux le sauvage s’ils avaient toujours la bouche fermée ; mais, aussitôt qu’ils viennent à parler, on entend une langue bruyante et fortement aspirée, on aperçoit de longues dents éblouissantes de blancheur, comme celles des chacals et des onces : différents en cela du sauvage américain, dont la férocité est dans le regard et l’expression humaine dans la bouche (Chateaubriand, 1806, p. 195). Les extraits de ce type foisonnent dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem, relation qui va entrer dans la postérité et marquer d’une pierre blanche l’histoire du récit de voyage en général et du récit de voyage en Palestine en particulier. 1. La présentation et l’intérêt de la recherche Notre étude, réalisée dans le cadre de notre thèse de doctorat en histoire, porte sur la représentation des Arabes au travers de 62 récits de voyageurs francophones en Palestine entre 1799 (date de la campagne d’Orient de Napoléon 62 Transformations de la modernité et pratiques (auto)biographiques Bonaparte) et 1948 (année de la création de l’État d’Israël). Les relations de voyageurs contemporains en Palestine sont très nombreuses, le genre viatique étant très prisé au XIXe siècle. Nous avons choisi de procéder à un échantillonnage représentatif de 62 récits rédigés par 63 auteurs, équitablement répartis tout au long de la période envisagée et respectant certains autres critères. Ainsi, le but du voyage : la majorité des récits étant les œuvres de pèlerins, nous avons estimé suffisant de les limiter à 50 % de l’échantillonnage, car ces récits présentent une grande homogénéité de contenu. L’autre moitié des voyageurs se rend en Palestine pour des raisons professionnelles (effectuer un reportage, étudier l’histoire ou l’archéologie), diplomatiques (consuls, représentants religieux officiels), touristiques ou autres. De même, nous avons essayé de respecter un certain équilibre entre hommes et femmes, catholiques et autres confessions, Français et autres nationalités, même si la tâche s’est avérée plus compliquée sur ces derniers points en raison de la prédominance sur le marché de l’édition de récits signés de la plume de voyageurs masculins, français et catholiques. Cette étude puise son intérêt dans son rapport avec l’actualité. Vu la situation aujourd’hui au Proche-Orient et particulièrement en Israël et dans les territoires palestiniens, il nous paraît important de nous pencher sur la perception et la représentation des Arabes par les voyageurs occidentaux. On note souvent une confusion entre islam et arabité, voire de manière plus négative entre islamisme et arabité. En effet, l’affaire des caricatures de Mahomet dans la presse danoise en 2006 par exemple nous a rappelé combien les préjugés raciaux et confessionnels peuvent encore exister de nos jours, et ce, aussi bien de la part des Occidentaux envers les Orientaux que l’inverse, combien l’incompr éhension de l’Autre, qui est face à nous et radicalement différent, peut faire de dégâts dans nos rapports avec cet Autre. On peut se demander si certaines représentations des Arabes n’ont pas traversé les générations pour rester encore d’actualité. Repérer, mettre en évidence et tenter d’expliquer les opinions vraies ou fausses des Occidentaux au sujet des Arabes peut s’avérer riche en enseignement sur le monde d’aujourd’hui. Nous penchant sur une perception déjà ancienne des Arabes, qui...

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