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Introduction
- Presses de l'Université du Québec
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Introduction Isabelle Mahy et Paul Carle La nécessité d’innover Si l’innovation est un thème connu, elle est aujourd’hui devenue un véritable enjeu car, depuis une dizaine d’années, la valeur des connais sances et de la créativité au sein des économies capitalistes a augmenté, plaçant ainsi les industries créatives au premier plan. D’ailleurs, la survie de l’organisation étant liée à sa capacité de renouveler ses produits et ses services pour faire face à la concurrence, apprendre à innover est devenu une priorité. La pression est réelle en Occident: s’ajoutant aux départs à la retraite massifs, les délocalisations, les décisions d’attrition et l’augmenta tion du taux de burnout mettent à risque un nombre croissant d’entreprises occidentales. Le vieillissement de la population ainsi que les turbulences 2 Théorie U – Changement émergent et innovation du monde marchand mondialisé permettent de prévoir que les capacités d’innovation de nos organisations sont en train de devenir un véritable enjeu de société. Au Canada, par exemple, on aura ainsi perdu presque un million de travailleurs qualifiés en 2020. Déjà, en 2005, 40 à 60% des travailleurs de la génération des bébé-boumeurs avaient pris leur retraite. De ce fait, le savoir se fragmente et disparaît avec les personnes qui quittent les organisations, mettant ainsi celles-ci à risque. D’une part, diverses sources toxiques se retrouvent aujourd’hui au sein des organisations: l’économie comme valeur phare et point de repère unique pour la prise de décision, la fragmentation du travail, l’isolement, la disparition des espaces de parole et d’échange, la pression du court terme, l’absence de vision, le manque de reconnaissance, etc. Ces réalités déshumanisantes provoquent de la souffrance au travail qui se traduit, entre autres, par la perte de confiance aux autres et en soi, la disparition des solidarités, la perte de sens, le cynisme et la dépression. D’autre part, les impératifs de développement économiques, sociaux et culturels de l’organisation l’incitent à s’adapter et, dans un environnement mondialisé des plus turbulents, à devoir se redéfinir par ses produits, ses services, sa culture, donc ses pratiques, ce qui repose sur une créativité soutenue et une intelligence collective bien vivante. S’affrontent ici une sérieuse invi tation à la transformation et une sclérose organisationnelle parfois sévère. Pour nous frotter souvent à la réalité organisationnelle, il nous apparaît que les ravages de la déshumanisation se poursuivent, ce qui nous pousse à suggérer que la créativité et l’humanisme essentiels à un réenchantement du monde semblent encore loin d’avoir irrigué nos institutions. Il s’agit donc ici d’interroger ensemble l’éthique et l’esthétique qui sous-tendent ce monde organisé et organisant. Dans le but de reconstruire cette humanité en effritement, afin de constituer des leviers permettant de retrouver les sources du plaisir au travail, divers processus créatifs d’accompagnement de ces changements ont donc été élaborés dans les dernières années. Le changement dont il est question ici est celui qui émerge d’une réflexion collective ou person nelle, et non celui dont on connaît déjà l’issue ou le résultat et qui, de ce fait, appelle une planification pour arriver au but. Le changement qui émerge est par définition inconnu a priori. Il découle d’un changement de regard, d’un déplacement de posture intérieure, d’une réflexion pro fonde qui constitue le cœur d’une transformation. Un tel changement n’est pas une simple adaptation à des fluctuations légères de l’environ nement. Il s’agit plutôt d’une évolution – et parfois même d’une révolu tion – personnelle ou collective qui donne lieu à une nouvelle mobilisation et à un élan vers l’action. [3.227.0.245] Project MUSE (2024-03-29 07:00 GMT) Introduction 3 Le changement en U Ce type de changement est souvent représenté dans la littérature par une forme de courbe en U. En effet, le U permet de situer facilement le début du changement (le haut de la branche à gauche); le creux de la courbe, au centre, correspond au moment crucial du changement de perception et donc du changement de regard sur sa propre vie; le haut de la branche...