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4. L'éducation muséale : Fragment d’une muséologie inachevée ?
- Presses de l'Université du Québec
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Chapitre 4 L’éducaTIoN MuséaLe Fragment d’une muséologie inachevée? anik Meunier Université du québec à montréal S’intéresser à l’avenir et au devenir de la muséologie et de l’éducation muséale, l’une de ses composantes latentes, implique, d’un point de vue philosophique, d’aborder la question de l’avenir qui renvoie indéniablement à la prise en compte d’une forme de temporalité. Elle induit aussi un regard rétrospectif tourné vers le passé. Et la muséologie ellem ême, à cause de son objet d’étude, s’intéresse, on le sait, à la mémoire ou à l’histoire. Forte de la notion de patrimoine, elle est reliée et même dépendante d’un processus essentiel: la patrimonialisation – et ce, à quelque étape que ce soit – dans la constitution même de son champ scientifique ou de son projet de production de connaissance. Ainsi, Davallon et al. (1993) avancent que: «La muséologie serait […] l’étude des processus de patrimonialisation qui s’opère au moyen du média qu’est le musée» (1993, p. 93). Cette position ne fait toutefois pas consensus puisqu’on peut aussi considérer le musée – une institution – et son média – l’exposition. En recherche, un des vrais problèmes muséologiques concerne bien celui du rapport entre la définition du patrimoine et celle du musée (Davallon et al., 1993). La plupart du temps, on place les objets et les collections au centre de la définition traditionnelle du musée. Ainsi, patrimoine et collections sont-ils au cœur d’une théorie du musée qui serait lui-même le fondement d’une muséologie que certains ont prétendue «théorique» (Davallon et al., 1993) et qui, comme domaine de recherche, ne peut pas faire l’économie d’une (ou de plusieurs) théorie(s). Cependant, délimiter ce que recouvre le champ de la muséologie (scientifique) inclut nécessairement une dimension latente, incluse en quelque sorte dans la muséologie proprement dite, sa fonction éducative. En effet, la mission première des musées depuis leur création (Poulot, 2005) est certes de conserver et de gérer des collections, mais en vue de diffuser et transmettre de génération en génération les qualités symboliques et les valeurs qui ont justifié que les spécialistes aient décidé de les collecter et de les faire entrer dans le patrimoine. le raPPort entre Patrimoine et musée Proclamer la prééminence du dispositif muséal, dans le même mouvement , ne fait-il pas obstacle au déploiement d’autres approches? La primauté du patrimoine et des collections induit, en effet, deux tensions. La première renvoie à la fonction primaire du musée moderne et à sa dimension strictement patrimoniale. L’existence du musée s’établit sur le recollement de témoins (matériels ou intangibles) et la constitution de collections pour transmettre les valeurs reçues, celles qui précisément fondent le sentiment d’appartenance à une identité sociale ou territoriale. Si on la considère dans son sens strict, soit rassembler des collections dans un endroit donné, l’existence même du musée suffit à justifier son immobilisme. La seconde est liée à la place que tient dorénavant dans l’institution muséale et patrimoniale l’exposition consid érée comme un média. Une exposition mobilise un ensemble de registres sémiotiques pour tenir un propos en articulant une trame narrative dans un lieu et un espace donné. Ce qu’on a appelé le tournant communicationnel des musées concrétise le rôle de média de l’exposition qui contraint dorénavant tous les concepteurs à s’engager dans un travail de médiation en direction des publics (Meunier, 2011). Certains chercheurs (Mensch et al., 1983), plutôt que de «théoriser l’opération de patrimonialisation que produit le musée ont pris la forme muséale de la patrimonialisation (la “muséalisation”, comme on dit) pour une chose en soi» (Davallon et al., 1993, p. 93). Pourtant, au-delà de la nostalgie, de la sauvegarde d’une mémoire, le musée pour transmettre le patrimoine et les valeurs culturelles symboliques et abstraites aux générations futures en assure la gestion. C’est-à-dire qu’il le garde vivant: conserver certes, mais aussi compléter et enrichir les collections , étudier et interroger le patrimoine...