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C. Desrochers Théâtralité, rituel et jeu dans le bioart Petit historique d’un dialogue entre science et art : le cas de la leçon d’anatomie La mise en scène ou plutôt la théâtralisation de la science ne constitue pas un phénomène propre à notre époque. En effet, un bref retour sur l’histoire permettra de mettre en relief comment les conventions théâtrales furent déterminantes dans cette spectacularisation1 de la science depuis la Renaissance. Ce bref historique est motivé par trois objectifs bien précis. Dans un premier temps, je désire situer le creuset historique sur lequel viennent se déposer les pratiques actuelles du bioart, je souhaite également étudier le développement des interfaces art/science et enfin, je veux mieux comprendre la fonction du rituel dans ces leçons d’anatomie. En guise d’introduction à ce retour sur l’histoire de la dissection, il convient de rappeler que la première performance publique documentée fut présentée en 1306 à l’université de Bologne. Malgré une sévère opposition papale, cette pratique scientifique et philosophique s’est rapidement propagée à travers l’Italie et au-delà de ses frontières2 . Du xive au xviiie siècle, des dissections publiques furent présentées dans de nombreuses grandes villes européennes. Cette pratique a attiré mon attention car elle joue clairement sur les interfaces art/science. En effet, la dissection du corps humain ne fut pas toujours un processus destiné essentiellement à l’enseignement médical ou aux autopsies. Certes, ce fut le cas aux xive et • 1 – Debord définit la spectacularisation par l’idée du rapport social et non par les dispositifs techniques ou contenus présentés. « Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais bien un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images » in Debord G., La société du spectacle, Paris, Champ Libre, 1971, p. 10. • 2 – Tierney T. F., « Anatomy and Governmentality : A Foucaldian Perspective on Death and Medecine in Modernity », Theory & Event, n° 2.1, [http://muse.jhu.edu/journals/theory_and_ event/v002/2.1tierney.html] (page consultée le 7 septembre 2006). C h r i s t i n e D e s r o c h e r s - 78 xve siècles, mais au tournant du siècle suivant ces manifestations passèrent de la stricte leçon scientifique au spectacle3 . De fait, elles ne furent plus seulement destin ées aux lettrés ou aux médecins, mais attirèrent de plus en plus artistes et gens curieux en provenance de groupes sociaux divers. Rapidement, ces leçons d’anatomie furent considérées dans leur dimension théâtrale et on érigea des théâtres conçus spécifiquement à cet effet4 . De la simple leçon, ces performances devinrent au xvie siècle de majestueuses cérémonies. Dans son traité dédicacé à l’empereur Maximilien Ier , le chirurgien anatomiste Alessandro Benedetti souligne comment l’horreur de la dissection comporte une dimension digne d’un spectacle (horrido munere… materia suo theatrali digna spectaculo5 ). Photographie 1 : Rembrandt Harmenszoon van Rijn, La leçon d’anatomie du docteur Tulp, 1632.« Au début de la Renaissance, observer un anatomiste opérant une dissection était le seul moyen pour les futurs médecins et artistes d’acquérir le sens de l’intérieur du corps humain. Quand l’anatomiste belge Andrea Vésale à Bologne ou ses collègues Jacobus Sylvius de Paris, et plus tard, Nicolas Tulp à Amsterdam (photographie 1), faisaient des dissections publiques, ni leurs étudiants ni les spectateurs n’étaient autorisés à toucher les corps. Les cadavres étaient sujets à une décomposition rapide si bien que les dissections devaient être effectuées rapidement et par des experts. • 3 – Ferrari G., « Public Anatomy Lessons and the Carnival : The Anatomy Theatre of Bologna », Past and Present, n° 117, nov. 1987, [http://links.jstor.org/sici? sici=00312746%28198711%290 %3A117%3C50%3APALATC%3E2.0.CO%3B2–C] (page consultée le 9 juin 2007). • 4 – Le terme « théâtre » serait toujours utilisé dans les hôpitaux modernes pour indiquer la pièce où sont menées les opérations. Kemp M., Wallace M., Spectacular Bodies : The Art and Science of the Human Body from Leonardo to Now, Londres, Haywood Gallery and University of California Press, 2000, p. 23. • 5 – Cité in Ferrari G., op. cit., p. 57. [3.133.159.224] Project MUSE (2024-04-23...

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