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J. Féral et E. Perrot De la présence aux effets de présence. Écarts et enjeux La notion d’effet de présence tient de l’évidence tout en se révélant difficile à définir pour le regard critique qui souhaite en déterminer les contours. Nous tenterons néanmoins d’en déplier les différents sens dans les pages qui suivent en nous inspirant, dans les différentes étapes de notre réflexion, de la phénoménologie, notamment des écrits de Merleau-Ponty, et des recherches de Jean-Louis Weissberg et de Bernard Noël1 . a. Dire de quelqu’un qu’il est présent évoque avant tout un champ de nature existentielle qui renvoie à l’être-là d’une personne : « Je, vous, nous sommes présents », concept vaste dont il faudrait découvrir les caractéristiques. Comment repérer, analyser cette présence? Dans cette première occurrence du mot, la présence peut se définir en lien avec l’absence. En effet, nommer la présence, c’est penser d’emblée l’absence, car il ne peut y avoir de présence (ou même d’effets de présence) que si les corps sont là mais que l’on sait en même temps qu’ils pourraient ne pas y être. La notion de présence implique donc la reconnaissance d’une possibilité d’absence2 . b. À cette première constatation s’ajoute la question des modalités selon lesquelles la présence peut être définie, car le sujet peut être là physiquement mais absent mentalement, ce qui nous amène à interroger la « complexité de [s]on • 1 – Weissberg J.-L., Présences à distance, déplacement virtuel et réseaux numériques, pourquoi nous ne croyons plus à la télévision, Paris, L’Harmattan, 1999; Noël B., Le lieu des signes, Le Muy (France), Éditions Unes, 1988. • 2 – Mieux encore, certains soulignent que la présence est encore plus vivement sentie lorsqu’il y a défaut de présence. Ainsi, selon Gregory Chatonsky, le sentiment de présence est plus fort lorsqu’il y a frustration et absence. Celui-ci fait ainsi observer qu’une personne qui parle au téléphone avec un interlocuteur invisible recrée la présence de l’absent, présence d’autant plus forte que la conversation est observée et « écoutée » par autrui qui n’en perçoit qu’une partie, or cette présence de l’absent se fait sentir autant sinon plus que ne le ferait une conversation entre deux personnes bien présentes, d’où ce sentiment amplifié de présence. J o s e t t e F é r a l e t E d w i g e P e r r o t - 12 - être-là », question que Weissberg fut parmi les premiers à soulever. En effet, la notion de présence peut-elle renvoyer à un état simplement physique ou peutelle aussi faire intervenir des considérations sur l’état mental du sujet? Tout se joue entre l’assertif (je suis là) et le qualitatif (telle qualité ou modalité d’être-là). Weissberg note ainsi que, si :« les unités de lieu et de temps définissent la présence physique […] les espaces mentaux – ce à travers quoi on est physiquement présent – sont, eux, multiples. Leurs topo-chronologies ne sont pas descriptibles. On n’est jamais là et à l’instant où l’on croit. On s’expatrie continuellement… surtout à l’état immobile3». D’où la proposition de l’auteur de définir la présence comme un état parmi des propositions variées d’apparitions et de disparitions des nappes multiples qui constituent l’état de présence. C’est l’alternance de ces moments de présence et d’absence qui créerait l’effet de présence. Pour étayer cette interprétation, Weissberg cite La Plume et le Pissenlit, une installation créée par Edmond Couchot et Michel Bret, présentée en 1998 et regroupant deux œuvres interactives réagissant au souffle du spectateur, œuvres qui ont d’abord été présentées séparément (La Plume en 1988 et Le Pissenlit en 1990)4 . Le principe est apparemment fort simple : le spectateur souffle sur un capteur pour faire s’envoler une plume ou des fleurs de pissenlit numériques. L’effet de présence vient dans ce cas de l’interactivité apparente entre l’écran et le spectateur. Il...

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