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intRoduction le risque comme culture de la temporalité dAVId nIGet et Centre d’histoire du droit et de la justice Université catholique de Louvain MArtIn PetItClerC Centre d’histoire des régulations sociales Centre de recherche sur les innovations sociales Département d’histoire Université du Québec à Montréal Le concept de risque tente de rendre compte de discours et de pratiques qui s’appuient sur une connaissance plus ou moins formalisée de ce qui pourrait advenir. Si son origine remonte au Moyen Âge, c’est au cours de la période moderne que certains groupes sociaux ont commencé à interpréter des expériences et à justifier des décisions en se réclamant d’un nouveau discours sur l’avenir, le risque. Ce discours est alors étroitement lié aux pratiques émergentes de l’assurance, de même qu’à l’invention, dans le dernier tiers du xviie siècle, du calcul des probabilités. Au cours des siècles qui ont suivi, l’affranchissement graduel de la société moderne à l’égard de la tradition a été accompagn é d’un approfondissement continuel des discours et des usages du risque, non seulement au sein des pratiques de prévoyance et de la science probabilitaire, mais également dans le gouvernement même des sociétés. D’ailleurs, ces dernières furent progressivement conçues 2 Pour une hIstoIre du rIsque comme des corps gouvernables, à travers l’épistémologie des sciences naturelles et de la médecine qui donnaient naissance à un savoir sur la nature et sur l’homme, selon une approche à la fois épidémiologique et clinique des risques. Si bien que, de nos jours, tout tend désormais à être décliné en termes de risques, du réchauffement climatique à la crise économique, de la pauvreté à la criminalité, des pandémies au terrorisme, du rôle de l’État à celui des experts. Selon certains théoriciens du risque, ces usages et ces discours auraient pris de plus en plus d’importance au point de devenir le nœud des enjeux qui structurent désormais l’ensemble des dimensions de l’existence collective. Voilà, en peu de mots, sur quel grand processus historique complexe ce livre se penche. Après avoir été longtemps confiné au monde de la technoscience, le concept de risque a, depuis une trentaine d’années, fait une entrée remarquée dans les sciences sociales, par l’intermédiaire notamment des travaux d’Ulrich Beck1, de Mary Douglas2, de Niklas Luhmann3 et de François Ewald4. À contrario, l’historiographie du risque est extrêmement ténue, bien que ce concept s’intéresse à ce qui constitue le cœur même de la condition historique, soit la configuration des rapports qui se tissent entre le passé, le présent et l’avenir. De fait, les historiens se sont interrogés sur l’histoire des peurs que cristallisaient les fléaux plutôt que sur la nature même des dangers, voire sur leur construction politique5. Mentionnons toutefois qu’une jeune génération d’historiens de l’environnement s’est récemment approprié le concept de risque, pour procéder à la nécessaire déconstruction de phénomènes comme les catastrophes naturelles et réfléchir dans de nouveaux termes à la relation entre les sociétés humaines et la nature6. 1. Voir notamment Beck, U. (2001 [1986]). La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Flammarion. 2. Parmi plusieurs publications, voir principalement Douglas, M. (1994 [1992]). Risk and Blame: Essays in Cultural Theory, Londres, Routledge. 3. Luhmann, N. (1993). Risk: A Sociological Theory, New York, Aldine de Gruyter. 4. Ewald, F. (1996 [1986]). Histoire de l’État-providence, Paris, Grasset et Fasquelle, p. 134. 5. Parmi une riche littérature, voir Febvre, L. (1956). «Pour l’histoire d’un sentiment: le besoin de sécurité», Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 11, no 2, p. 244-247; Delumeau, J. (1978). La peur en Occident, XIVe-XVIIIe siècles, Paris, Fayard; Lequin, Y. et J. Delumeau (dir.) (1987). Les malheurs des temps: histoire des fléaux et des calamités en France, Paris, Larousse; Delumeau, J. (1989). Rassurer et protéger: le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, Fayard; Hildesheimer, F. (1993). Fléaux et société: de la Grande Peste au choléra, XIVe-XIXe siècle, Paris, Hachette ; Baldwin, P. (1999). Contagion and the State in Europe, 1830-1930, Cambridge, Cambridge University Press; Stora-Lamarre...

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