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C h A P I t r e10 Risques, dangeRs et catastRophes natuReLLes stéPhAne CAstonGuAY Chaire de recherche du Canada en histoire environnementale Université du Québec àTrois-Rivières pour les spécialistes de l’histoire de l’environnement comme pour les praticiens de la géographie, physique ou humaine, qui étudient les rapports de l’humain avec son milieu, la question des risques s’imbrique étroitement dans celle des catastrophes, qu’elles soient naturelles ou industrielles. Aussi notre propos visera-t-il à éclairer la distinction entre ces deux termes – risque et catastrophe – pour mieux appréhender les rationalités à l’œuvre dans la prise en compte du danger et la mise en œuvre de dispositifs définissant les risques et encadrant leur gestion. Bien que cela semble ajouter à la confusion sémantique entourant l’emploi de la notion de risque – déjà confrontée à celles de vulnérabilit é et de danger –, nous croyons que cette mise en perspective permettra notamment de révéler certaines caractéristiques du risque naturel, soit sa dimension hybride et son nécessaire ancrage territorial. L’exploration de ces caractéristiques à partir de travaux sur les inondations de la rivière Saint-François au Québec aux xixe et xxe siècles enrichira notre compréhension des dispositifs et de la régulation du risque. 226 Pour une hIstoIre du rIsque Ce sont principalement les géographes qui se sont intéressés à la définition du risque naturel et, partant, à celle de la catastrophe naturelle1 . Dans leur définition du risque, les géographes renvoient généralement à la probabilité d’occurrence d’un phénomène naturel et de dommages qui y sont associés. C’est seulement lors de dommages effectivement survenus, d’«événements avérés», qu’il est question de catastrophe2. Quant au danger, les géographes le définissent comme une menace qui ne porte pas nécessairement à conséquences, mais qui devient catastrophe lorsque surviennent des dommages majeurs. Notons enfin que, si le risque renvoie à la probabilité que le danger se concrétise sous la forme d’un phénomène nuisible ou dommageable, c’est que l’occurrence de ce type de phénomène est aléatoire. Ces définitions du risque et de la catastrophe naturelle se fondent sur l’existence d’un «phénomène brut», ordinairement d’origine géoclimatique (le tremblement de terre, le glissement de terrain, l’inondation, la sécheresse , l’incendie, etc.) et dont le potentiel d’occurrence met en danger une population. Cette dernière est alors dite vulnérable, parce qu’elle est la victime potentielle de dommages causés par la catastrophe, et non simplement parce qu’elle serait exposée au phénomène brut dont ne s’ensuivraient pas nécessairement des dommages. Il faut également noter que le phénomène brut peut également perturber les dynamiques écologiques du milieu, mais sans provoquer de dommages visibles ou sensibles aux humains et à leurs propriétés. Pareille définition naturaliste du risque rappelle la distinction établie par le sociologue britannique Anthony Giddens entre le «risque externe» et le «risque manufacturé». Le premier renvoie à la probabilité d’un événement malheureux «naturalisable», s’imposant de «l’extérieur » à l’humain, et permettant un mode d’appréhension fondé sur une évaluation précise des dommages potentiels (par exemple l’assurance ). Le second fait plutôt référence à un événement imprévisible, aux dommages incalculables, non « naturalisable » car produit par l’humain lui-même, et à propos duquel les techniques traditionnelles de gestion du risque s’avèrent inefficaces3. Cette distinction, qui a pour objectif d’inviter à la réflexion sur la spécificité de la nouvelle «société du risque», nous semble toutefois taire la dimension hybride de la 1. Valérie November fournit un panorama exhaustif de cette appréhension du risque et de la catastrophe dans la pensée géographique. November, V. (2002). Les territoires du risque, Berne, Peter Lang, p. 149-214. Voir également D’Ercole, R. (1994). «Les vulnérabilités des sociétés et des espaces urbanisés: concepts, typologie, modes d’analyse», Revue de géographie alpine, vol. 82, no 1, p. 87-96 et Bailly, A. (1998). «La géographie des risques», dans A. Bailly (dir.), Les concepts de la géographie humaine (4e éd.), Paris, Masson, p. 241-247. 2. Pigeon, P. (1996). «La gestion des risques urbains...

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