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C h A P I t r e5 Le Risque et La viLLe au xixe siècLe discours et interventions en matière de pauvreté et de santé dans le Montréal anglo-protestant1 JAnICe hArVeY Centre d’histoire des régulations sociales Collège Dawson Il faut atteindre le mal à sa source; la mauvaise herbe doit être arrachée à la racine; l’enfant doit être séparé de parents qui ne le conduiraient qu’au vice2. Toute personne sensée ayant observé et étudié les faits les plus simples et les principes premiers de la science sanitaire doit être consciente qu’une cause suffisante expliquant tous nos décès réside dans l’immondice et les pollutions que nous acceptons parmi nous, et qui empoisonnent plus ou moins l’air de toute la ville, mais surtout celui des bas quartiers infestés3. 1. Texte traduit par Agathe Goscha. L’auteure tient à remercier Martin Petitclerc, David Niget et Jean-Marie Fecteau pour leurs précieuses remarques sur les premières versions de ce texte. Nous remercions également le FQRSC qui nous a fourni un soutien financier. 2. «Philanthropy, care of our destitute and criminal population», séries de lettres publiées dans Montreal Gazette, Montreal, Salter & Ross, 1857, p. 15. 3. Carpenter, P.P. (juin 1869). «On some of the causes of excessive mortality of young children in the city of Montreal», The Canadian Naturalist and Quarterly Journal of Science, p. 205. «The evil must be reached at its source; the noxious weed must be nipped in the bud; the child must be 114 Pour une hIstoIre du rIsque Comme les citations ci-dessus l’indiquent clairement, en établissant des liens entre pauvreté et crime d’une part, hygiène et mortalité (au moins la mortalité infantile et juvénile) d’autre part, l’élite anglophone de Montréal au xixe siècle a eu un discours élaboré sur les risques qui menaçaient à ses yeux la société. Dans cette contribution, nous examinerons ces liens à travers le prisme du concept de «risque». Ce concept n’est toutefois pas entendu ici en tant qu’analyse statistique des probabilités (selon Ewald) ou rattaché à la société du risque postmoderne (selon Beck et Giddens). Nous préférons nous inspirer de deux autres perspectives, en bonne partie complémentaires, du concept de risque. Premièrement, cet article reprend l’approche de la gouvernementalit é en soutenant que le discours profondément politique de cette élite sociale, qui faisait de certaines catégories de la population ou de certains phénomènes (tels que la santé publique) des objets de risque, avait pour but de justifier une intervention en vue de contenir ces situations et de contrôler cette population4. À cet égard, les précisions de Robert Castel en ce qui concerne le glissement de la dangerosité vers le risque – c’est-à-dire lorsque l’on passe du repérage d’individus (ou de groupes) posant un réel danger à la détermination de ceux qui sont potentiellement dangereux en raison de leur appartenance à tel ou tel groupe de la population manifestant des facteurs de risque (comme les enfants pauvres ou les indigents des villes) – sont fort utiles5. Les travaux de Giovanna Procacci sur le paupérisme6 et ceux de David Garland sur le châtiment et les stratégies pénales nous ont également inspirée7. Deuxièmement, cette contribution s’appuie aussi sur les travaux de Mary Douglas, pour qui le risque est socialement construit. En effet, le risque est étroitement associé au processus politique et culturel de détermination de dangers communs par lequel toute communauté en separated from parents who would only train it up to vice. […] Every thoughtful person who has observed and studied the simplest facts and first principles in sanitary science, must be aware that a sufficient cause for all our deaths is to be found in the filth and pollutions which are allowed to remain in our midst, and which poison the air, more or less, of the whole city, but most of all of the low and swampy districts.» 4. Pour cette approche, voir Foucault, M. (1991). « Governmentality », dans G. Burchell, C. Gordon et P. Miller (dir.), The Foucault Effect. Studies in Governmentality, Londres, Harvester Wheatsheaf, p. 87-104; Dean, M. (1999). Governmentality. Power and Rule in Modern Society, Londres, Sage. 5. Castel, R. (1991). «From dangerousness to risk», dans Burchell, G., C. Gordon et P. Miller (dir.), op. cit., p. 281-298. 6...

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